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Ariane Web: Conseil d'État 369255, lecture du 10 avril 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:369255.20150410

Décision n° 369255
10 avril 2015
Conseil d'État

N° 369255
ECLI:FR:CESSR:2015:369255.20150410
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Frédéric Béreyziat, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
HAAS, avocats


Lecture du vendredi 10 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1002054 du 12 juin 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 12LY01884 du 11 avril 2013, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel formé par les épouxA..., a annulé ce jugement, prononcé la décharge sollicitée par les contribuables et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à ces derniers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi, enregistré le 11 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt du 11 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par M. et MmeA....


Vu l'arrêt attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil, notamment son article 1583 ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, notamment son article 3 ;
- la loi n° 2004-804 du 9 août 2004, notamment son article 13 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, notamment le I de son article 52 ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de M. et Mme A...;



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " La société ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu'après son agrément par l'autorité ou les autorités compétentes ou son inscription sur la liste ou les listes ou au tableau de l'ordre ou des ordres professionnels (...). L'immatriculation de la société ne peut intervenir qu'après l'agrément de celle-ci par l'autorité compétente ou son inscription sur la liste ou au tableau de l'ordre professionnel " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien de la consommation et de l'investissement : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont simultanément satisfaites : / 1° Le cédant est soit : a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ; / 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une branche complète d'activité ; / 3° La valeur des éléments de cette branche complète d'activité servant d'assiette aux droits d'enregistrement exigibles en application des articles 719, 720 ou 724 n'excède pas 300 000 euros (...). / III. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux cessions intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005 " ; que le I de l'article 52 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 a restreint cette mesure d'exonération, en ajoutant au I de l'article 238 quaterdecies les conditions qui suivent : " 4° Le cédant ne doit pas être dans l'une, au moins, des situations suivantes : a) Le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire ; b) Le cédant exerce en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire " ; que ces dernières dispositions étaient applicables aux cessions intervenues entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2005 ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte du 24 décembre 2004, enregistré le 28 décembre suivant au service de recette territorialement compétent, la société civile professionnelle dénommée " Pierre et Philippe A..." a cédé le mobilier de son cabinet d'avocats et la clientèle de M. B...A...à la société d'exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée dénommée " Cabinet d'avocats A..." ; que la société cédante a entendu bénéficier, à ce titre, de l'exonération de plus-value de cession prévue par l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 9 août 2004 ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération, au motif que les plus-values nées de la cession en cause devaient être imposées sur le fondement des dispositions de la loi fiscale en vigueur à la date d'agrément de la société cessionnaire par le conseil de l'ordre des avocats soit, en l'espèce, en tenant compte des restrictions prévues par la loi de finances rectificative pour 2004, dans le champ desquelles entraient les époux A...; que les impositions litigieuses procèdent, en droits et majorations, de cette rectification ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour prononcer la décharge de ces impositions, la cour administrative d'appel s'est fondée, d'une part, sur ce que l'acte de cession ne contenait aucune stipulation conditionnant la validité de la vente à l'inscription du cessionnaire au tableau de l'ordre juridique des avocats et prévoyait une prise d'effet au 30 décembre 2004, d'autre part, sur ce que les dispositions de la loi du 31 décembre 1990 citées ci-dessus avaient pour seul objet de subordonner l'exercice de la profession d'avocat à une telle inscription ;

5. Considérant, toutefois, que, si, en vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prixž l'opération de cession en cause n'est devenue opposable à l'administration fiscale en vue de l'application des dispositions du code général des impôts citées au point 2 et de la détermination des plus-values nées de cette cession, qu'à compter de l'accomplissement de la formalité d'inscription de la société cessionnaire au tableau de l'ordre des avocats territorialement compétent prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1990 rappelées ci-dessus ; qu'il suit de là qu'en statuant comme il a été dit au point 4 ci-dessus, la cour a commis une erreur de droit au regard de la loi fiscale ; que, par suite, le ministre délégué, chargé du budget est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 12LY01884 du 11 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par les époux A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme B...A....