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Ariane Web: Conseil d'État 370223, lecture du 10 avril 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:370223.20150410

Décision n° 370223
10 avril 2015
Conseil d'État

N° 370223
ECLI:FR:CESSR:2015:370223.20150410
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
M. Mathieu Herondart, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats


Lecture du vendredi 10 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Levallois-Perret du 30 juin 2008 autorisant la vente d'un immeuble appartenant à la commune. Par un jugement n° 0808703 du 14 avril 2011, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette délibération.

Par un arrêt n° 11VE02279 du 28 mars 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la commune de Levallois-Perret.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Levallois-Perret demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune de Levallois-Perret et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A...;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération adoptée le 24 mars 2003, le conseil municipal de la commune de Levallois-Perret a autorisé son maire à céder un immeuble de six étages faisant partie du domaine privé de la commune ; que cette délibération indiquait que le prix de cession retenu serait de 3 860 000 euros, fixé par référence à un avis émis par le service des domaines le 5 août 2002 ; que la vente a été signée à ce prix par acte notarié le 28 décembre 2006 ; que, par un jugement du 18 avril 2008 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 24 mars 2003 au motif que l'avis du service des domaines n'avait pas été transmis aux conseillers municipaux avant la délibération ; que, par une nouvelle délibération du 30 juin 2008, le conseil municipal, auquel avait été communiqué l'avis du service des domaines du 5 août 2002, a de nouveau autorisé, dans les mêmes conditions, la vente conclue le 28 décembre 2006 ; que, par un jugement du 14 avril 2011, le tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 30 juin 2008 au motif qu'un nouvel avis aurait dû être sollicité du service des domaines ; que la commune de Levallois-Perret se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel ;

2. Considérant qu'à la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte ; que, s'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant seulement les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même ; qu'elle peut ainsi adopter, eu égard au motif d'annulation, un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de ce service " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que l'avis rendu le 5 août 2002 par le service des domaines, pour une durée d'un an, était valable lors de la délibération annulée du 24 mars 2003 ; que, par suite, en jugeant que la délibération du 30 juin 2008, dont l'objet était de régulariser, non la décision du maire de signer le contrat le 28 décembre 2006 mais la délibération du 24 mars 2003, adoptée sans que cet avis ait été régulièrement transmis aux membres du conseil municipal, était illégale en l'absence d'un nouvel avis du service des domaines portant sur la vente à la date à laquelle elle a été conclue, alors qu'ils avaient délibéré à nouveau en 2008 en disposant de l'avis du service des domaines en vigueur à la date de la première délibération, la cour a commis une erreur de droit ; que la commune de Levallois-Perret est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que, pour annuler la délibération du 30 juin 2008, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce que l'avis du 5 août 2002 ne pouvait plus, à la date de la délibération contestée, tenir valablement lieu de celui exigé par les dispositions précitées de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

8. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...avait la qualité de contribuable de la commune de Levallois-Perret ; qu'il justifie, par suite, d'un intérêt à agir contre une délibération qui concerne la gestion du patrimoine de la commune et affecterait les ressources communales en cas de sous-estimation du prix de vente retenue ;

Sur la légalité externe de la délibération :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de ce que l'avis du service des domaines n'était valable que pour une durée de six mois, expirée à la date de la délibération du 24 mars 2003 que la délibération attaquée avait pour objet de régulariser, manque en fait ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. / Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une note a été adressée aux membres du conseil municipal, expliquant l'objet de la nouvelle délibération et mentionnant notamment l'annulation contentieuse de la première délibération du 24 mars 2003 ; que le moyen tiré de ce que le motif de la régularisation demandée aurait été dissimulé doit, en conséquence, être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la commune de faire précéder la vente de l'immeuble d'une mise en concurrence préalable ;

Sur la légalité interne de la délibération :

13. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le prix de vente évalué par le service des domaines dans son avis du 5 août 2002 et retenu par la délibération du 24 mars 2003 ait été inférieur à la valeur du marché ; que la circonstance que les prix immobiliers auraient fortement augmenté dans la commune de Levallois-Perret entre 2002 et 2008 est sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée qui, ainsi qu'il a été dit, n'avait pas d'autre objet, ni d'autre effet, que de régulariser rétroactivement la délibération du 24 mars 2003 ; que, par voie de conséquence, M. A...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, compte tenu de la sous-évaluation de l'immeuble, la délibération attaquée aurait constitué une aide à une entreprise au sens des articles 87 et suivants du traité instituant la Communauté européenne ;

14. Considérant, en second lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Levallois-Perret est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 30 juin 2008 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Levallois-Perret qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions qu'elle présente sur le fondement des mêmes dispositions et de celles de l'article R. 761-1 du même code ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 mars 2013 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 avril 2011 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Levallois-Perret est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Levallois-Perret et à M. B... A....



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