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Ariane Web: Conseil d'État 376575, lecture du 10 avril 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:376575.20150410

Décision n° 376575
10 avril 2015
Conseil d'État

N° 376575
ECLI:FR:CESSR:2015:376575.20150410
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Pauline Jolivet, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
DELAMARRE, avocats


Lecture du vendredi 10 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 2 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 janvier 2014 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en tant qu'elle indique qu'elle ne donnera plus suite à l'avenir à des demandes abusives ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Maître B...Delamarre, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de M. A...;



1. Considérant que, par courrier du 28 août 2013, M. C...A...a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau du Val-de-Marne d'une demande d'accès aux informations le concernant conservées dans les fichiers détenus par l'ordre et a sollicité la copie de la déclaration auprès de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) de ces fichiers ; qu'en l'absence de réponse à cette demande, M.A..., estimant que le responsable du traitement manquait à ses obligations, a déposé une plainte en ligne sur le site de la CNIL le 3 novembre 2013 ; que, par un courrier du 7 janvier 2014, la présidente de la CNIL a indiqué à M. A...que la commission ne pouvait intervenir sur ce dossier en l'absence de justificatif du refus qui lui aurait été opposé par le bâtonnier ; qu'elle l'a par ailleurs informé des suites données à deux autres plaintes et lui a indiqué qu'en raison de ses multiples sollicitations, la commission ne donnerait désormais plus suite à des demandes abusives ; que M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision sur ce dernier point ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement. " ; que, par application des dispositions de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique, en cas de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, le délai imparti pour le dépôt du mémoire complémentaire court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'il ressort des pièces de la procédure que la requête de M. A...a été enregistrée le 21 mars 2014 et qu'il a déposé, le même jour, une demande d'aide juridictionnelle ; que la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale au requérant et désignant Maître Delamarre pour l'assister, est intervenue le 22 septembre 2014 ; que le mémoire complémentaire annoncé par le requérant a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 décembre 2014, soit dans le délai de trois mois fixé par l'article R. 611-22 du code de justice administrative ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, M. A... ne saurait être réputé s'être désisté de son recours ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I. Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable d'un traitement de données à caractère personnel en vue d'obtenir : / 1° La confirmation que des données à caractère personnel la concernant font ou ne font pas l'objet de ce traitement / 2° Des informations relatives aux finalités du traitement, aux catégories de données à caractère personnel traitées et aux destinataires ou aux catégories de destinataires auxquels les données sont communiquées ; / (...) 4° La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l'origine de celles-ci ; (...) / II.-Le responsable du traitement peut s'opposer aux demandes manifestement abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. En cas de contestation, la charge de la preuve du caractère manifestement abusif des demandes incombe au responsable auprès duquel elles sont adressées " ; que ces dispositions se bornent à définir les conditions dans lesquelles le responsable d'un traitement de données à caractère personnel peut rejeter les demandes manifestement abusives ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée du 7 janvier 2014 les méconnaîtrait ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

4. Considérant que l'article 11 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que : " La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle exerce les missions suivantes : / (...) 2° Elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en oeuvre conformément aux dispositions de la présente loi. / A ce titre : / (...) c) Elle reçoit les réclamations, pétitions et plaintes relatives à la mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel et informe leurs auteurs des suites données à celles-ci. (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 15 de la même loi : " La commission peut charger le président ou le vice-président délégué d'exercer celles de ses attributions mentionnées : / (...) au c du 2° de l'article 11 " ; que l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret détermine les cas dans lesquels il n'est pas accusé réception des demandes en raison de la brièveté du délai imparti à l'autorité pour répondre, ou lorsque la demande n'appelle pas d'autre réponse que le service d'une prestation ou la délivrance d'un document prévus par les lois et les règlements. / L'autorité administrative n'est pas tenue d'accuser réception des demandes abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. " ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la CNIL, les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 ont pour seul objet de dispenser les autorités administratives d'accuser réception des demandes abusives dont elles sont saisies ; que, toutefois, la CNIL dispose, dans le cadre de la mission qui lui est confiée par le c du 2° de l'article 11 de la loi du 6 janvier 1978, de la faculté, ouverte même sans texte, de rejeter, sous le contrôle du juge, les plaintes dont elle est saisie qui présentent un caractère abusif ; qu'elle ne peut cependant rejeter ainsi des plaintes sans examen préalable de chacune d'elles ;

6. Considérant que la décision attaquée du 7 janvier 2014, prise par la présidente de la CNIL en application des dispositions précitées de l'article 15 de la loi du 6 janvier 1978, ne saurait être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de dispenser la CNIL de l'examen de plaintes dont M. A...pourrait ultérieurement la saisir, comme le fait d'ailleurs valoir en défense la CNIL en indiquant qu'elle s'est prononcée sur de nouvelles plaintes dont l'intéressé l'a saisie ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que sa requête et, par suite, les conclusions qu'il présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


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