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Ariane Web: Conseil d'État 365511, lecture du 17 avril 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:365511.20150417

Décision n° 365511
17 avril 2015
Conseil d'État

N° 365511
ECLI:FR:CESSR:2015:365511.20150417
Inédit au recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
M. Pierre Lombard, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du vendredi 17 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a saisi le tribunal administratif de Cayenne d'une demande tendant à la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale qu'il a acquittées lors de la réalisation de plus-values immobilières en 2007. Par un jugement n° 0800212 du 27 mai 2010, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°10BX02825 du 31 mai 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 23 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX02825 du 31 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M.A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-169/98 et C-34/98 du 15 février 2000, et l'arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne C-623/13 du 26 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B...A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été assujetti au titre de l'année 2007 à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale à raison de la réalisation de plus-values immobilières ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 27 mai 2010 du tribunal administratif de Cayenne rejetant ses conclusions tendant à la décharge des cotisations qui lui ont été réclamées ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et, respectivement, de l'article 1600-0 D et de l'article 1600-0 I du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'année 2007, les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts sont assujetties à une contribution sociale généralisée sur les produits de placement et à une contribution au remboursement de la dette sociale sur ces mêmes produits ;

3. Considérant que le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 pose notamment, pour les personnes qui en relèvent, un double principe d'unicité d'affiliation à un régime de sécurité sociale et d'unicité de cotisation ; que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, notamment dans les arrêts C-169/98 et C-34/98 du 15 février 2000, et dans l'arrêt C-623/13 du 26 février 2015, qu'un prélèvement participant au financement de régimes obligatoires de sécurité sociale relève du champ d'application du règlement n° 1408/71 s'il existe un lien direct et suffisamment pertinent entre ce prélèvement et certaines des branches de la sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement, alors même qu'il serait assis sur des revenus de la personne assujettie indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle ; que l'existence ou l'absence de contrepartie en termes de prestations est dépourvue de pertinence pour l'application de ce règlement ; que la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas que ce même prélèvement puisse être regardé comme relevant du champ d'application du règlement n° 1408/71 ; que ne peuvent être assujetties à des contributions relevant du champ d'application du règlement n° 1408/71 les personnes qui résident en France mais qui ne relèvent pas du régime français de sécurité sociale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à juger, pour écarter le moyen de M. A...tiré de ce qu'il n'avait pas à acquitter la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale en l'absence d'affiliation à un régime obligatoire français de sécurité sociale, que ces cotisations, dépourvues de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou à un avantage servi par un régime de sécurité sociale, ont le caractère d'impositions de toute nature et non celui de cotisations de sécurité sociale au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ;

5. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 mai 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M.A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.