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Ariane Web: Conseil d'État 373442, lecture du 17 avril 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:373442.20150417

Décision n° 373442
17 avril 2015
Conseil d'État

N° 373442
ECLI:FR:CESJS:2015:373442.20150417
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
M. Guillaume Déderen, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du vendredi 17 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande en date du 11 juillet 2013 tendant à l'abrogation du cinquième alinéa de l'article D. 49-29 du code de procédure pénale en ce qu'il ne prévoit pas un droit d'accès direct de la personne condamnée à son dossier individuel tenu par la juridiction de l'application des peines ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Baraduc, Duhamel la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. B...soutient que les dispositions dont il a demandé l'abrogation méconnaissent les droits de la défense et le droit à un procès équitable, tels qu'ils sont garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que par les paragraphes 1 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'elles ne prévoient pas que la personne condamnée faisant l'objet d'une procédure devant les juridictions de l'application des peines peut accéder directement à son dossier individuel tenu par le juge d'application des peines, même lorsqu'elle n'est pas assistée ou représentée par un avocat ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Déderen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M.B....



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 712-1 du code de procédure pénale : " Le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application. / Les décisions du juge de l'application des peines et du tribunal de l'application des peines peuvent être attaquées par la voie de l'appel. L'appel est porté, selon les distinctions prévues par le présent chapitre, devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, composée d'un président de chambre et de deux conseillers, ou devant le président de cette chambre " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article D. 49-29 du code de procédure pénale : " Il est tenu au greffe du juge de l'application des peines un dossier individuel concernant chaque condamné suivi par ce magistrat. / Ce dossier comprend des copies des documents issus de la procédure ayant abouti à sa condamnation et qui sont nécessaires à l'exécution de celle-ci. / Il comprend également les rapports établis et les décisions prises au cours de l'exécution de la condamnation. / L'avis du représentant de l'administration pénitentiaire prévu aux articles 712-6 et 712-7 est versé au dossier sous forme d'un rapport de synthèse des avis des différents services pénitentiaires compétents. / Ce dossier peut être consulté par l'avocat du condamné, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet du juge de l'application des peines. L'avocat du condamné peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier conformément aux dispositions de l'article R. 165 prévoyant la gratuité de la première copie délivrée. Les copies ultérieures lui sont délivrées à ses frais, sauf si le condamné a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. / Le procureur de la République peut consulter ce dossier ou en demander la communication. / Lorsque la modification de la situation du condamné rend compétent, en application des dispositions de l'article 712-10, un juge de l'application des peines autre que celui qui était initialement saisi, ce dernier transmet ce dossier au magistrat nouvellement compétent pour suivre le condamné et avise le parquet du lieu de condamnation " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions du cinquième alinéa de l'article D. 49-29, aux termes desquelles l'avocat a la faculté de consulter le dossier individuel du condamné tenu au greffe de la juridiction de l'application des peines, n'ont pas eu pour objet et n'auraient d'ailleurs pu avoir légalement pour effet d'empêcher l'intéressé d'obtenir communication des pièces du dossier qui lui sont nécessaires pour assurer sa défense dans le cas où il décide de ne pas solliciter l'assistance d'un avocat ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article D. 49-29 du code de procédure pénale méconnaîtraient les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ou les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que les conclusions présentées par la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. B...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.