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Ariane Web: Conseil d'État 385086, lecture du 17 avril 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:385086.20150417

Décision n° 385086
17 avril 2015
Conseil d'État

N° 385086
ECLI:FR:CESJS:2015:385086.20150417
Inédit au recueil Lebon
4ème SSJS
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public


Lecture du vendredi 17 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a transmis au tribunal administratif de Melun sa décision du 9 juillet 2014 par laquelle elle a constaté l'absence de dépôt du compte de campagne de M. A...B..., candidat aux élections municipales des 23 et 30 mars 2014.

Par un jugement n° 1406996 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Melun a déclaré M. B...inéligible pour une durée de dix-huit mois en application de l'article L. 118-3 du code électoral.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2014 et 2 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Melun.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2015, présentée par M. B...;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;



1. Considérant que par une décision du 9 juillet 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M.B..., candidat tête de liste au premier tour des élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne), n'avait pas déposé son compte de campagne, en violation de l'article L. 52-12 du code électoral ; que, saisi par la commission nationale en application de l'article L. 52-15 du même code, le tribunal administratif de Melun a, par un jugement du 18 septembre 2014, déclaré M. B... inéligible pour une durée de dix-huit mois ; que M. B...fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il est constant que les actes de procédure et notamment les plis recommandés contenant la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ainsi que la convocation à l'audience du tribunal administratif de Melun du 4 septembre 2014, respectivement présentés les 1er et 5 août 2014 à la dernière adresse indiquée par M. B...à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ont été retournés au tribunal administratif de Melun avec la mention " absent avisé, non réclamé " ; que si M. B...fait valoir qu'il était momentanément absent, cette circonstance n'a pas entaché le jugement d'irrégularité dès lors que ces actes de procédure lui ont été régulièrement notifiés ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : " Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) Cette présentation n'est pas nécessaire lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts" ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, (...), le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 " ;

4. Considérant que si l'absence de dépôt par un candidat de son compte de campagne constitue, en principe, un manquement de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité, il en va autrement, notamment, lorsqu'il est établi que cette omission ne présente pas un caractère délibéré, parce que le candidat a été abusé par un mandataire dont il pouvait légitimement estimer qu'il respecterait ses obligations et qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité, en dépit de toutes les diligences accomplies en temps utile, d'effectuer le dépôt du compte ; que, dans ce cas, le juge de l'élection peut, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, après avoir invité la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à présenter ses observations, ne pas déclarer le candidat inéligible s'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des pièces versées par celui-ci au dossier de l'instruction, qu'il n'a pas commis, dans le financement de sa campagne, d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., qui a obtenu 3,49 % des voix au premier tour du scrutin qui s'est déroulé le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Chennevières-sur-Marne, n'a pas déposé son compte de campagne, dont il n'est pas allégué qu'il ne comportait aucune dépense ou recette, dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ; que s'il soutient que l'absence de dépôt de son compte avant le 30 mai 2014 est imputable à son mandataire financier, il résulte de l'instruction, notamment de ses courriers en date des 28 mars et 3 avril 2014, que M. B...a rencontré dès le 4 mars 2014 des difficultés avec son mandataire financier, contre lequel il a d'ailleurs déposé une plainte le 31 mars 2014 ; que, compte tenu de la date à laquelle ces difficultés se sont manifestées, antérieure aux opérations électorales et à l'expiration du délai fixé à l'article L. 52-12 précité, M.B..., qui ne pouvait ignorer que son mandataire financier était susceptible de ne pas respecter ses obligations, était en mesure de mettre fin aux fonctions de celui-ci et de procéder à la désignation d'un nouveau mandataire dans les conditions prévues à l'article L. 52-7 du code électoral, ce qu'il n'a pas fait ; qu'ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne faisait pas état de circonstances de nature à justifier la méconnaissance de l'obligation résultant de l'article L. 52-12 du code électoral ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun l'a déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.