Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 369152, lecture du 6 mai 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:369152.20150506

Décision n° 369152
6 mai 2015
Conseil d'État

N° 369152
ECLI:FR:CESSR:2015:369152.20150506
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
HAAS ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du mercredi 6 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
- d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 novembre 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Brès (Hérault) a annulé la délibération du 15 mai 2008 autorisant l'échange d'une parcelle lui appartenant avec une partie de la parcelle cadastrée section A n° 381 appartenant à la commune et d'enjoindre au maire de la commune d'exécuter la délibération du 15 mai 2008, dans un délai maximal d'un mois à compter du jugement à intervenir ;
- d'annuler pour excès de pouvoir la délibération et la délibération rectificative pour erreur matérielle du 4 mars 2010 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Saint-Brès a retiré sa délibération du 27 novembre 2009 et abrogé celle du 15 mai 2008 et d'enjoindre au maire de la commune d'exécuter la délibération du 15 mai 2008, dans un délai maximal d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n°s 0905459, 1001556 du 8 avril 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la seconde demande de M. A...et jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la première.

Par un arrêt n° 11MA02229 du 9 avril 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement ainsi que la délibération du 27 novembre 2009 et la délibération modifiée du 4 mars 2010, en tant que cette dernière abrogeait la délibération du 15 mai 2008 et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 9 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Brès demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la commune de Saint-Brès et à la SCP Gaschignard, avocat de M. A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 15 mai 2008, le conseil municipal de la commune de Saint-Brès (Hérault) a autorisé l'échange d'une parcelle cadastrée section A n° 1447 appartenant à M. A... avec une partie de même surface de la parcelle cadastrée section A n° 381 appartenant à la commune ; que le conseil municipal de la commune a, par une délibération du 27 novembre 2009, " annulé " la délibération du 15 mai 2008 puis, par une délibération du 4 mars 2010, retiré la délibération du 27 novembre 2009 et abrogé la délibération du 15 mai 2008 ; que, par un jugement du 8 avril 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 4 mars 2010 et jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 27 novembre 2009 ; que la commune de Saint-Brès se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier, la délibération du 27 novembre 2009 et la délibération du 4 mars 2010, en tant qu'elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public " ; que des parties clairement délimitées et dissociables d'une même parcelle peuvent relever, par application des règles régissant la domanialité publique, de régimes de domanialité différents ;

3. Considérant que la cour administrative d'appel a relevé, par des motifs non contestés, qu'à l'origine, la parcelle cadastrée A n° 381 appartenait au domaine privé de la commune ; qu'elle s'est ensuite fondée sur le constat qu'une barrière en bois séparait complètement la partie de cette parcelle concernée par la délibération du 15 mai 2008 du reste de cette parcelle, pour juger que si le reste de cette parcelle était entré dans le domaine public communal du fait de son affectation en 2007 à l'usage direct du public, sa partie visée par cette délibération, qui était isolée, n'avait pas été affectée à l'usage direct du public et n'avait fait l'objet d'aucun aménagement, était quant à elle restée dans le domaine privé de la commune ; qu'en statuant de la sorte, elle a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, dont il ne ressortait pas qu'une barrière aurait séparé complètement les deux parties mentionnées ci-dessus, qui formaient un ensemble entièrement accessible au public, sans que celle visée par la délibération litigieuse puisse être regardée comme clairement délimitée et dissociable du reste de la parcelle ; que la commune de Saint-Brès est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a fait droit aux conclusions de M. A...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, à l'annulation de la délibération du 27 novembre 2009 et à l'annulation de la délibération du 4 mars 2010, en tant qu'elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Brès qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement à la commune de Saint-Brès de la somme de 3 000 euros au même titre ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de M. A...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, à l'annulation de la délibération du 27 novembre 2009 et à l'annulation de la délibération du 4 mars 2010, en tant qu'elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : M. A...versera à la commune de Saint-Brès la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Brès et à M. B...A....