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Ariane Web: Conseil d'État 383286, lecture du 6 mai 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:383286.20150506

Décision n° 383286
6 mai 2015
Conseil d'État

N° 383286
ECLI:FR:CESSR:2015:383286.20150506
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats


Lecture du mercredi 6 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une protestation, M. E...L..., Mme A...H..., Mlle M...N..., M. J...G..., Mme B...I..., M. O...et M. Q...D...ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune associée de Tevaitoa (Tumaraa - Polynésie française).

Par un jugement n° 1400250 du 30 juin 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur protestation.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 1er septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. L... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de faire droit à leur protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. C...K...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. E...L..., Mme A...H..., Mme M...N..., M. J... G..., Mme B...I..., M. O...et M. Q...D...;



1. Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune associée de Tevaitoa (section 3 de Tumarra, Polynésie française), les quatorze candidats de la liste " Tapura Amui " ont été élus ; que sur les 1 329 suffrages exprimés, vingt-six séparent la dernière candidate élue de cette liste, avec 638 voix, de la première candidate non élue de la liste " Te aho api no Tumaraa ", avec 612 voix ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif de la Polynésie française, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. L... et autres n'a, en s'abstenant de préciser qu'il était soutenu que les huit électeurs qui auraient été inscrits à tort sur les listes électorales auraient donné procuration à des partisans de M.K..., maire sortant, ni omis de répondre à un grief opérant, ni entaché son jugement d'insuffisance de motivation ;

Sur la composition de la commission administrative et la révision des listes électorales :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du code électoral " Les listes électorales sont permanentes. Elles sont l'objet d'une révision annuelle (...) " ; que l'article L. 17 du même code prévoit que : " A chaque bureau de vote est affecté un périmètre géographique./ Une liste électorale est dressée pour chaque bureau de vote par une commission administrative constituée pour chacun de ces bureaux et composée du maire ou de son représentant, du délégué de l'administration désigné par le préfet, ou le sous-préfet, et d'un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance (...) " ; qu'en déterminant ainsi la composition de la commission chargée de la révision annuelle des listes électorales, le législateur a entendu donner une garantie destinée à assurer la sincérité des opérations de révision ; que si le juge de l'élection n'est pas compétent pour statuer sur la régularité ou le bien-fondé de l'inscription ou de la radiation d'un électeur sur les listes électorales, il lui appartient, en revanche, d'apprécier tous les faits révélant des manoeuvres ou des irrégularités susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

4. Considérant ainsi que, lorsque la désignation d'un membre de la commission administrative prévue par l'article L. 17 du code électoral est susceptible de faire naître un doute quant à l'impartialité de cette commission, il appartient au juge de l'élection, eu égard à son office, d'apprécier uniquement si une telle circonstance, prise isolément ou avec d'autres, a constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le président du tribunal d'instance de Papeete a désigné Mme B...F..., épouse de M. C... K..., maire sortant de Tumaraa et candidat à sa réélection dans la commune associée de Tevaitoa, en qualité de délégué dans la commission administrative chargée de dresser la liste électorale pour le second bureau de vote de la commune associée de Tevaitoa, où M. K...siégeait également en sa qualité de maire ; qu'une telle désignation, qui n'est contraire à aucune disposition du code électoral, est susceptible néanmoins de faire douter de l'impartialité de la commission ; que la circonstance, à la supposer établie, d'une part, que huit électeurs aient été inscrits et quatre rayés à tort, sans en être avertis pour ces derniers, sur les listes électorales et, d'autre part, que onze électeurs aient été également inscrits sur les listes électorales d'autres communes, sans qu'il soit établi qu'ils aient d'ailleurs voté dans la commune de Tumaraa, ne suffit pas à établir, en l'absence de tout lien entre ces allégations et la composition de la commission ou le comportement de ses membres, une manoeuvre de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ; que, par suite, le grief tiré de ce que la composition de la commission administrative aurait altéré la sincérité du scrutin et de ce que les irrégularités commises au sujet d'inscriptions déterminées lors de l'établissement de la liste électorale auraient constitué des manoeuvres n'est pas fondé ;

Sur le vote par procuration :

6. Considérant, d'une part, que la circonstance qu'une procuration en faveur d'un électeur favorable à la liste " Te apo api no Tumaraa " n'ait pas été enregistrée le 23 mars 2014 alors que, dans le même temps, était validée une procuration d'un électeur favorable à la liste conduite par M.K..., à la supposer établie, a été compte tenu de l'écart des voix, sans incidence sur le résultat des élections contestées ; que les requérants n'apportent au soutien du grief tiré de ce qu'un grand nombre de procurations aurait été, à tort, délivré à des partisans de M. K..., aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il n'appartient pas au bureau de vote, pour enregistrer le vote des mandataires, de contrôler notamment le respect des conditions fixées par l'article L. 71 du code électoral pour voter par procuration ; que, toutefois, à supposer que, comme il le soutient, M. L...ait été empêché de voter pour M.D..., qui l'avait mandaté, cette irrégularité est, compte tenu de l'écart des voix, sans incidence sur le résultat des élections contestées ;

Sur le grief tiré des pressions exercées sur les électeurs :

8. Considérant, d'une part, que si les requérants soutiennent qu'un électeur aurait été menacé de licenciement s'il ne votait pas pour un candidat de la liste " Tapura Amui ", ils ne s'appuient que sur le témoignage indirect d'une personne qui affirme avoir entendu l'intéressé se plaindre de pressions exercées sur sa personne ; qu'en tout état de cause, à la supposer avérée, une telle pression exercée sur un électeur, pour regrettable qu'elle soit, n'a pu altérer la sincérité du scrutin ; que, d'autre part, si les requérants soutiennent également que d'autres électeurs auraient voté en faveur de la même liste en échange de promesses de nature diverse, ils n'apportent au soutien de cette allégation aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. L... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune associée de Tevaitoa ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;








D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. L...et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E...L...et M. C...K..., premiers dénommés, et à la ministre des outre-mer.


Voir aussi