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Ariane Web: Conseil d'État 371675, lecture du 27 mai 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:371675.20150527

Décision n° 371675
27 mai 2015
Conseil d'État

N° 371675
ECLI:FR:CESSR:2015:371675.20150527
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
M. Jean-Marc Anton, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


Lecture du mercredi 27 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler le titre de recette émis par le maire de Saint-Leu le 29 avril 2010 en vue du recouvrement de la taxe forfaitaire sur la cession de terrains rendus constructibles à raison des opérations ayant donné lieu à un acte de vente du 29 juin 2007, pour un montant de 884 448 euros, d'annuler le commandement de payer émis à son encontre par le trésorier de Saint-Leu le 20 septembre 2010 et de le décharger de cette imposition.

Il a ensuite demandé au même tribunal administratif d'annuler le titre de recette émis par le maire de Saint-Leu le 28 décembre 2010 en vue du recouvrement de cette même taxe à raison des mêmes opérations, pour un montant de 112 847 euros et de le décharger de cette imposition.

Par un jugement nos 1001152, 1100088 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a joint ces deux demandes, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la première demande et fait droit à la seconde.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 27 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Leu demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 à 5 de ce jugement ;

2°) réglant dans cette mesure l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune de Saint-Leu et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2010, la commune de Saint-Leu a assujetti M. A...à la taxe forfaitaire sur la cession de terrains devenus constructibles, prévue à l'article 1529 du code général des impôts, à raison de terrains situés sur son territoire, qu'il a cédés le 29 juin 2007 ; que la commune se pourvoit en cassation contre les articles 2 à 5 du jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a déchargé M. A...du montant de cette taxe ;

2. Considérant en premier lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 1529 du code général des impôts : " I. - Les communes peuvent, sur délibération du conseil municipal, instituer une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de terrains nus qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme ou par un document d'urbanisme en tenant lieu dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation (...). / II. - La taxe (...) ne s'applique pas : / (...) b. aux cessions portant sur des terrains qui sont classés en terrains constructibles depuis plus de dix-huit ans (...) ; que selon le IV du même article, la déclaration doit être déposée dans les conditions prévues aux 1° et 4° du I et au II de l'article 150 VG du code, lequel est relatif à l'imposition des plus-values de cession à titre onéreux des mêmes biens ; qu'aux termes du V, " la taxe est versée lors du dépôt de la déclaration prévue au IV " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, relatif aux plans locaux d'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme " ; qu'aux termes de l'article R. 123-18 du même code, relatif aux plans d'occupation des sols, dans sa rédaction applicable en 1985 : " I - Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. / (...) Ces zones naturelles comprennent en tant que de besoin : / a) Les zones d'urbanisation future, dites "Zones NA", qui peuvent être urbanisées à l'occasion soit d'une modification du plan d'occupation des sols soit de la création d'une zone d'aménagement concerté ou de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction compatibles avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il est défini par le règlement ; / b) Les zones, dites "Zones NB", desservies partiellement par des équipements qu'il n'est pas prévu de renforcer et dans lesquelles des constructions ont déjà été édifiées ; / c) Les zones de richesses naturelles, dites "Zones NC", à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol ; / d) Les zones, dites "Zones ND", à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique ou écologique (...) " ;

4. Considérant que, pour l'application du b du II de l'article 1529 du code général des impôts, les terrains classés, antérieurement à l'instauration d'un plan local d'urbanisme, dans une zone d'urbanisation future du plan d'occupation des sols, dite "zone NA", ne peuvent être regardés comme étant alors constructibles que s'ils se trouvaient dans des secteurs où le règlement applicable à cette zone prévoyait une urbanisation sans modification de ce document ; que, lorsqu'un contribuable assujetti à la taxe forfaitaire prévue à cet article entend se prévaloir de l'exonération prévue pour les cessions portant sur des terrains classés comme constructibles depuis plus de dix-huit ans en soutenant que le terrain en cause était alors classé en zone NA dans le plan d'occupation des sols de la commune où il est situé, il appartient à la commune de fournir au juge de l'impôt les éléments permettant de déterminer si la condition tenant au contenu du règlement est remplie ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ";

6. Considérant que, pour faire droit à la demande de M.A..., le tribunal administratif a jugé qu'il pouvait se prévaloir, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction n° 8 M-3-07 du 28 novembre 2007 relative à la taxe forfaitaire sur les cessions de terrains devenus constructibles ; qu'il est toutefois constant que la date à laquelle le requérant devait déposer sa déclaration et acquitter la taxe selon les modalités prévues aux IV et V de l'article 1529 du code général des impôts était antérieure à cette instruction ; que, dès lors, le tribunal a commis une erreur de droit en ne relevant pas que l'instruction invoquée n'était, pour ce motif, pas opposable à l'administration sur le fondement de ce second alinéa ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la commune de Saint-Leu est fondée à demander l'annulation des articles 2 à 5 du jugement qu'elle attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Saint-Leu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;




D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 à 5 du jugement du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Saint-Denis.

Article 3 : M. A...versera à la commune de Saint-Leu une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Leu et à M. B... A....
Copie en sera adressée, pour information, au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des outre-mer.


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