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Ariane Web: Conseil d'État 382165, lecture du 27 mai 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:382165.20150527

Décision n° 382165
27 mai 2015
Conseil d'État

N° 382165
ECLI:FR:CESSR:2015:382165.20150527
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public


Lecture du mercredi 27 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Somme, MM.AD..., R..., G..., I..., AC..., V..., U..., N..., S..., E...L..., F..., P...etC... AE..., AB...et B...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de rectifier les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Grand-Laviers (Somme).

Par un jugement n°s 1400993, 1401070, 1401082, 1401095, 1401138, 1401139, 1401140, 1401142, 1401154 et 1401185 du 28 mai 2014, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, proclamé élus MM.N..., U..., A..., Q..., R...et W...et, d'autre part, annulé l'élection de Mmes AB...etAE....

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juillet et 15 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AF...AD...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;



1. Considérant qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Grand-Laviers (Somme) ont été élus au premier tour de scrutin MM. AF...AD..., K...AC..., T...S..., Z...V...et O...F..., et au second tour MM. AG...A..., H...Q..., Y...R..., D...W..., ainsi que Mmes M...AE...et X...AB... ; que, par le jugement dont M. AF...AD...fait appel, le tribunal administratif d'Amiens a rectifié ces résultats, proclamant élus, en outre, MM. O... N...et J...U...à l'issue du premier tour et annulant l'élection de Mmes AE... etAB... au second tour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif n'a pas répondu au grief, qui n'était pas inopérant, soulevé en première instance par M. AD..., tiré de ce que les bulletins et enveloppes recensés comme nuls par le procès-verbal du premier tour de scrutin n'avaient pas été validés par la signature du président, des assesseurs et du secrétaire de séance ; que cette omission affecte la régularité du jugement attaqué qui doit, dès lors, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité ;

3. Considérant que le délai de trois mois imparti par l'article R. 120 du code électoral au tribunal administratif pour statuer étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur le déféré préfectoral et sur l'ensemble des protestations présentés devant le tribunal administratif ;

4. Considérant que le préfet de la Somme demande au juge de l'élection, après avoir rectifié le nombre de voix nécessaire pour atteindre la majorité absolue, de proclamer élus au premier tour MM. O...N...et J...U... ; que les autres protestataires se bornent à demander la rectification du nombre de voix nécessaire pour atteindre la majorité absolue sans préciser les conséquences qui en découleraient ;

Sur les opérations électorales du 23 mars 2014 :

En ce qui concerne le procès-verbal :

5. Considérant que la circonstance que le procès-verbal des opérations électorales du 23 mars 2014 comporte la mention d'une heure de fin de dépouillement erronée est sans incidence sur la régularité des opérations électorales ; qu'il en va de même du fait que le procès-verbal aurait été rectifié en méconnaissance des dispositions de l'article R. 69 du code électoral, dès lors qu'il n'est pas allégué que les résultats proclamés et mentionnés sur l'original du procès-verbal transmis à la préfecture auraient été différents de ceux constatés lors du dépouillement ;

En ce qui concerne les bulletins et enveloppes nuls :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement./ Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau./ Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion./ Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si le procès-verbal des opérations électorales du 23 mars 2014 comptabilise cinq bulletins et deux enveloppes vides annulés, deux enveloppes et huit bulletins lui sont annexés ; que, toutefois, les bulletins, qui ne sont pas contresignés par les membres du bureau et ne portent pas mention des causes de leur annexion, ne peuvent être regardés comme nuls ; qu'en particulier, la circonstance que certains d'entre eux comportent des noms barrés, entourés ou collés est sans incidence sur leur validité dès lors, d'une part, que l'article L. 257 du code électoral, applicable dans les communes de moins de 1 000 habitants, dispose que sont valables les bulletins déposés dans l'urne comportant plus ou moins de noms qu'il y a de conseillers à élire et, d'autre part, que l'adjonction d'un nom par collage ne peut, dans les circonstances de l'espèce, constituer un signe de reconnaissance ;

8. Considérant qu'il en résulte que le nombre de suffrages exprimés doit être porté à 296 et la majorité absolue à 149 voix ; que, par suite, MM.AD..., AC..., S...etV..., qui ont recueilli respectivement, au vu du procès-verbal, 155, 155, 151 et 150 voix ont à bon droit été proclamés élus à l'issue du premier tour de scrutin, sans même qu'il y ait lieu de prendre en considération la réintégration des bulletins annulés à tort ; que cette réintégration n'a pas pour effet de permettre aux candidats non proclamés élus au premier tour d'atteindre la majorité absolue ; qu'en revanche, doit être annulée l'élection du cinquième candidat proclamé élu, M.F..., qui n'a obtenu que 147 voix au vu du procès-verbal et dont le nom ne figure qu'une fois dans les bulletins annulés à tort ;

Sur les opérations électorales du 30 mars 2014 :

9. Considérant que, alors même que le maire a momentanément affiché en mairie, entre les deux tours de l'élection, des résultats différents de ceux proclamés à l'issue du premier tour, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 69 du code électoral aux termes duquel : " (...) Le résultat est alors proclamé publiquement par le président du bureau centralisateur et affiché aussitôt par les soins du maire ", il ne résulte pas de l'instruction que l'incertitude, certes regrettable, dans laquelle se sont trouvés les électeurs quant au nombre de sièges restant à pourvoir au second tour ait résulté d'une manoeuvre, ni influencé la sincérité du scrutin dès lors que sur 331 électeurs inscrits, 294 ont voté au second tour, alors qu'ils étaient 298 à s'être déplacés pour le premier ;

10. Considérant que la circonstance que la liste conduite par M. AD...ait diffusé le 28 mars 2014 un tract soulignant la double erreur commise par M. AC..., candidat tête de liste adverse, en tant que président du bureau de vote unique, pour le calcul de la majorité absolue au premier tour, puis en tant que maire, relativement à l'affichage des résultats, n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, constitutif d'une manoeuvre, dès lors qu'il n'excédait pas, par son contenu, le cadre de la polémique électorale et qu'ayant été diffusé l'avant-veille du scrutin, il n'excluait pas une réponse utile de M. AC... ;

11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'erreur de calcul de la majorité absolue au premier tour ait faussé le résultat du second tour ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les opérations du second tour doivent être validées ; que, par suite, doivent être rejetées les conclusions du préfet de la Somme tendant à ce que soient proclamés élus MM. N...etU... ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 mai 2014 est annulé.
Article 2 : L'élection de M. F...au premier tour de scrutin est annulée.
Article 3 : L'élection de Mmes AE...et AB...au second tour est validée.
Article 4 : Le déféré du préfet de la Somme et les surplus des conclusions des protestations sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. AF...AD..., à M. K...AC..., à M. O...F...et au ministre de l'intérieur.


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