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Ariane Web: Conseil d'État 387683, lecture du 3 juin 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:387683.20150603

Décision n° 387683
3 juin 2015
Conseil d'État

N° 387683
ECLI:FR:CESJS:2015:387683.20150603
Inédit au recueil Lebon
10ème SSJS
M. Jacques Reiller, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SPINOSI, avocats


Lecture du mercredi 3 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :


La section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'autorité administrative, notamment, de prendre toutes dispositions pour mettre fin à l'existence de murets de séparation au sein des parloirs de la maison d'arrêt de Fresnes.

Par une ordonnance n° 1410906 du 19 janvier 2015, ce juge a fait droit à cette demande en enjoignant que de telles dispositions soient prises dans un délai de cinq mois à compter de la notification de l'ordonnance.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février et 12 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1410906 du 19 janvier 2015, en tant que, par celle-ci, le juge des référés du tribunal administratif de Melun lui a enjoint de prendre toutes dispositions pour mettre fin, dans un délai de cinq mois, à l'existence de murets de séparation au sein des parloirs de la maison d'arrêt de Fresnes ;

2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la demande de la section française de l'Observatoire international des prisons ;


Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de justice administrative.



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la section française de l'Observatoire international des prisons ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2015, présentée par la section française de l'Observatoire international des prisons ;



1. Considérant que la section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'administration pénitentiaire, notamment, de prendre toutes dispositions pour mettre fin à l'existence de murets de séparation au sein des parloirs de la maison d'arrêt de Fresnes ; que la garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 janvier 2015 de ce juge en tant que, par celle-ci, celui-ci a fait droit à cette demande en enjoignant que de telles dispositions soient prises dans un délai de cinq mois à compter de la notification de l'ordonnance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, au vu des justifications fournies par le requérant, si la situation qui lui est soumise est de nature à caractériser l'urgence d'intervenir ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que le prononcé de mesures utiles revêtait un caractère d'urgence ; qu'en l'espèce, pour estimer que la condition d'urgence était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Melun s'est fondé sur la seule circonstance que la maison d'arrêt de Fresnes ne se conformait pas, depuis plusieurs années, aux dispositions de l'article R. 57-8-12 du code de procédure pénale en vertu desquelles les visites se déroulent, en principe, dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation, alors que se rendent, dans cette maison d'arrêt, un nombre très important de visiteurs ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si des éléments concrets, propres à l'espèce, étaient susceptibles de caractériser l'urgence, le juge a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la garde des sceaux, ministre de la justice, est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la section française de l'Observatoire international des prisons la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 janvier 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée, en tant que, par celle-ci, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre toutes dispositions pour mettre fin, dans un délai de cinq mois, à l'existence de murets de séparation au sein des parloirs de la maison d'arrêt de Fresnes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice, et à la section française de l'Observatoire international des prisons.