Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 370894, lecture du 5 juin 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:370894.20150605

Décision n° 370894
5 juin 2015
Conseil d'État

N° 370894
ECLI:FR:CESSR:2015:370894.20150605
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Romain Godet, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats


Lecture du vendredi 5 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés par ordonnance du 9 avril 2010 et d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration pénitentiaire d'effectuer les travaux nécessaires afin de rendre la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy conforme aux prescriptions du règlement sanitaire départemental. Par un jugement n° 1004959 du 8 juillet 2011, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser la somme de 500 euros à titre de préjudice moral et mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, tout en rejetant la demande d'injonction.
Par un arrêt n° 11VE03158 du 26 mars 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la garde des sceaux, ministre de la justice, annulé ce jugement et rejeté les demandes de M.B....
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août et 30 septembre 2013 et le 3 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt n° 11VE03158 du 26 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. B...;



1. Considérant que M. B...a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 25 mai 2013, en vue de se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 26 mars 2013, et qu'il y a été admis le 12 juin 2013 ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, sa requête, qui a été enregistrée le 5 août 2013, n'est pas tardive ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. / Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d'arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une durée inférieure à un an. " ; que le même article, dans sa version issue de l'article 88 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dispose : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. / Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d'arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une durée inférieure à un an. Toute personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à deux ans peut, à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peines dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive. Cependant, elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'un aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement. " ; que ces dernières dispositions, entrées en vigueur le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française, soit le 26 novembre 2009, sont, en l'absence de dispositions contraires, applicables à compter de cette date aux personnes définitivement condamnées placées en maison d'arrêt ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a été condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée de six ans le 22 janvier 2009 ; que sa condamnation définitive, intervenue le 14 août 2009, lui a été notifiée le 4 septembre 2009 ; qu'il a été placé à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy à compter du 26 août 2009 et jusqu'au 26 février 2010, date de son transfèrement dans un établissement pour peines ; qu'alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 de la présente décision que les dispositions de l'article 717 du code de procédure pénale issues de la loi du 24 novembre 2009 n'étaient applicables qu'à la période d'incarcération s'étendant du 26 novembre 2009 au 26 février 2010, la cour en a fait application pour écarter toute faute de l'administration pour avoir maintenu M. B... en maison d'arrêt au titre de la totalité de la période pendant laquelle il y a été incarcéré, y compris au titre de la période antérieure au 26 novembre 2009 ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à cette SCP ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 26 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Monod, Colin, Stoclet une somme de 3 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Voir aussi