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Ariane Web: Conseil d'État 382692, lecture du 17 juin 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:382692.20150617

Décision n° 382692
17 juin 2015
Conseil d'État

N° 382692
ECLI:FR:CESSR:2015:382692.20150617
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
M. Mathieu Herondart, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, avocats


Lecture du mercredi 17 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 30 juin 2011, rectifié par un arrêt du 17 novembre 2011, la cour d'appel de Rennes a sursis à statuer sur l'appel formé par la commune de Ploërmel contre une ordonnance du 25 septembre 2008 du juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de la question de savoir si l'usage qui a été fait par la commune de Ploërmel du bien vendu à M. et Mme A...B...suffit à établir qu'il constitue une dépendance du domaine public intercommunal de Ploërmel.
La commune de Ploermël, agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Rennes de déclarer que le bien vendu à M. et Mme B...par acte du 13 juin 2003 constitue une dépendance du domaine public.
Par un jugement n° 1200191 du 16 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a déclaré que l'ensemble immobilier cédé à M. et Mme B...par acte notarié du 13 juin 2003 appartient au domaine public de la commune de Ploërmel.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2014 et le 20 mai 2015, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de déclarer que l'ensemble immobilier cédé le 13 juin 2003 n'appartient pas au domaine public de la commune de Ploërmel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ploërmel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes ;

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme B...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commune de Ploërmel ;


1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 13 juin 2003, la commune de Ploërmel a cédé à M. et Mme B...un ensemble immobilier comprenant un bâtiment principal et deux bâtiments annexes, dont un bâtiment utilisé pour le stockage du matériel d'entretien du golf de Ploërmel, un bureau et des vestiaires ; que cet acte notarié prévoyait que l'entrée en jouissance de ce bâtiment aurait lieu dans un délai de trente-six mois à compter du jour de la vente ; que M. et Mme B...ont assigné la commune de Ploërmel devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait du maintien de l'occupation du bâtiment par la commune au-delà du délai fixé dans l'acte notarié ; que, par un arrêt du 30 juin 2011, rectifié par un arrêt du 17 novembre 2011, la cour d'appel de Rennes a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur l'appartenance au domaine public du bâtiment vendu à M. et MmeB... ;

2. Considérant que, s'il n'est pas contesté que les locaux litigieux ont fait, entre 1994 et 1999, l'objet de travaux de remise en état général, d'installation de compteurs électriques et d'un compteur d'eau et de cloisonnement pour qu'y soient entreposés le matériel et les produits d'entretien du golf et y soient créés un bureau et des vestiaires, de tels travaux ne peuvent être regardés comme consistant en des aménagements spéciaux directement liés à l'exploitation d'un golf ;

3. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune, le bâtiment en cause n'est pas situé dans l'enceinte du golf mais est intégré dans l'ensemble immobilier cédé à M. et MmeB... ; que, par suite, il ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme appartenant, pour ce motif, au domaine public ;

4. Considérant, enfin, que, comme il a été dit ci-dessus, le bâtiment en cause est physiquement dissocié du terrain de golf ; que, par ailleurs, il n'est pas, par nature, nécessaire au fonctionnement du golf et ne peut, dès lors, être regardé comme d'utilité directe pour celui-ci ; qu'ainsi, il ne constitue pas un accessoire du domaine public ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de leur requête, que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour répondre à la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Rennes, le tribunal administratif de Rennes a jugé que le bâtiment litigieux constituait une dépendance du domaine public ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ploërmel la somme de 3 000 euros à verser à M. et MmeB..., au titre des mêmes dispositions;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 16 mai 2014 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Il est déclaré que le bâtiment litigieux ne constitue pas une dépendance du domaine public.

Article 3 : La commune de Ploërmel versera à M. et Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Ploërmel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...et à la commune de Ploërmel.