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Ariane Web: Conseil d'État 387805, lecture du 17 juin 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:387805.20150617

Décision n° 387805
17 juin 2015
Conseil d'État

N° 387805
ECLI:FR:Code Inconnu:2015:387805.20150617
Inédit au recueil Lebon
1ère - 6ème SSR
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats


Lecture du mercredi 17 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 20 mars et 7 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Plastics Europe demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la note de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 8 décembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la loi " bisphénol A ", de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1er de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires, du 1° bis de l'article L. 5231-2 du code de la santé publique et de l'article L. 5214-2 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- les articles L. 5231-2 et L. 5214-2 du code de la santé publique ;
- l'article 1er de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'association Plastics Europe ;




1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

En ce qui concerne l'article 1er de la loi du 30 juin 2010 modifiée tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires :

2. Considérant que l'article 1er de la loi du 30 juin 2010, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 24 décembre 2012, suspend la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, à compter du 1er janvier 2013, de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge et, à compter du 1er janvier 2015, de tout autre conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires, jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations ;

3. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment de ce qu'elles portent à la liberté d'entreprendre une atteinte non justifiée par le principe de précaution énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement, soulève une question relative à la portée de cette disposition constitutionnelle, s'agissant de mesures de suspension comme celle qui est en cause ; que cette question doit être regardée comme nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère sérieux du moyen invoqué, sur ce fondement, à l'encontre des dispositions législatives contestées, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'encontre de ces dispositions ;

En ce qui concerne le 1° bis de l'article L. 5231-2 du code de la santé publique et l'article L. 5214-2 du même code :

4. Considérant que la note attaquée de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes prescrit l'interprétation qu'il convient de retenir de plusieurs termes utilisés par l'article 1er de la loi du 30 juin 2010 dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 24 décembre 2012 ; qu'en revanche, elle ne comporte aucune prescription relative à l'application ou à l'interprétation des dispositions du 1° bis de l'article L. 5231-2 et de l'article L. 5214-2 introduits dans le code de la santé publique respectivement par les articles 2 et 3 de la loi du 24 décembre 2012 ; que les dispositions du 1° bis de l'article L. 5231-2 et de l'article L. 5214-2 du code de la santé publique, contestées au regard de la Constitution, ne sont par conséquent pas applicables au litige ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Plastics Europe en tant qu'elle est dirigée contre le 1° bis de l'article L. 5231-2 du code de la santé publique et l'article L. 5214-2 du même code.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution de l'article 1er de la loi du 30 juin 2010 modifiée est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Plastics Europe jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Plastics Europe, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée au Premier ministre.