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Ariane Web: Conseil d'État 376226, lecture du 19 juin 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:376226.20150619

Décision n° 376226
19 juin 2015
Conseil d'État

N° 376226
ECLI:FR:CESJS:2015:376226.20150619
Inédit au recueil Lebon
3ème SSJS
Mme Agnès Martinel, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats


Lecture du vendredi 19 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La commune de Fondettes a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 23 janvier 2011 par laquelle le président du conseil général d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de remboursement des sommes engagées depuis le 1er janvier 2005 pour la restauration des élèves du collège " Jean Roux " implanté sur la commune et le rejet implicite du recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 521 673,91 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2010. Par un jugement n° 11-2504 du 19 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12NT01654 du 10 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de Fondettes contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars 2014 et 10 juin 2014 et le 11 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Fondettes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 85-934 du 4 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Martinel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Fondettes et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du département d'Indre-et-Loire ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Fondettes, dans le cadre d'une convention qu'elle a conclue le 27 août 1985 avec l'Etat, le département d'Indre-et-Loire et le syndicat intercommunal de la gestion des collèges du canton de Saint-Cyr-sur-Loire pour déterminer les modalités de fonctionnement du collège Jean Roux et la participation aux dépenses annuelles des différents intervenants, s'est engagée à assurer la fourniture des repas aux élèves du collège. La commune a conclu, le 26 juin 1993, une convention de délégation de service public avec la société Sodexho, qui a été chargée de construire une nouvelle cuisine centrale et d'assurer l'intégralité du service des repas, en contrepartie d'une rémunération résultant de la facturation des repas auprès des usagers ou de leur famille et d'une éventuelle compensation par la ville de Fondettes. Elle a conclu, le 29 juin 1999, une convention avec le département d'Indre-et-Loire et le collège, par laquelle le premier s'est engagé à participer aux frais d'investissement de la cuisine centrale et le second à assurer la distribution des repas et l'entretien de la salle de restauration par des personnels de l'éducation nationale, cette convention stipulant qu'elle continuerait d'assumer la charge de la fourniture des repas et de la mise en température des aliments. Se prévalant du transfert de l'Etat aux départements de la mission de restauration dans les collèges, à compter du 1er janvier 2005, en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la commune de Fondettes a demandé au département d'Indre-et-Loire, le 25 février 2005, de reprendre cette charge à son compte. Ce dernier n'ayant pas donné suite à cette demande, la commune de Fondettes lui a réclamé, le 21 décembre 2010, la somme de 521 673,91 euros en remboursement des frais qu'elle estime avoir indûment engagés pour la restauration des élèves du collège depuis le 1er janvier 2005. Le tribunal administratif d'Orléans a rejeté, par jugement du 19 avril 2012, la demande de la commune de Fondettes tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le président du conseil général d'Indre-et-Loire a rejeté cette demande de remboursement et à la condamnation du département à lui verser la somme de 521 673,91 euros assortie des intérêts au taux légal. La cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune contre ce jugement par un arrêt du 10 janvier 2014.

2. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 13 août 2004 mentionnée ci-dessus, entrée en vigueur le 1er janvier 2005 : " Le département a la charge des collèges. A ce titre, il en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception, d'une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat dont la liste est arrêtée par décret et, d'autre part, des dépenses de personnels prévues à l'article L. 211-8 sous réserve des dispositions de l'article L. 216-1. Le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les collèges dont il a la charge. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-6 du même code : " (...) Le département est substitué à l'Etat dans les contrats de toute nature que celui-ci avait conclus pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens ainsi que pour le fonctionnement des services. L'Etat constate cette substitution et la notifie à ses cocontractants. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-23 de ce code : " (...) II. - Pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil général ou régional s'adresse directement au chef d'établissement. Il lui fait connaître les objectifs fixés par la collectivité de rattachement et les moyens que celle-ci alloue à cet effet à l'établissement. Le chef d'établissement est chargé de mettre en oeuvre ces objectifs et de rendre compte de l'utilisation de ces moyens. Le chef d'établissement (...) assure la gestion du service de demi-pension conformément aux modalités d'exploitation définies par la collectivité compétente. Un décret détermine les conditions de fixation des tarifs de restauration scolaire et d'évolution de ceux-ci en fonction du coût, du mode de production des repas et des prestations servies. Une convention passée entre l'établissement et, selon le cas, le conseil général ou le conseil régional précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives ".

3. La commune de Fondettes soutenait en appel comme en première instance qu'elle était fondée à obtenir l'indemnisation réclamée, d'une part, sur le fondement de l'enrichissement sans cause du département et, d'autre part, à titre subsidiaire, à raison du préjudice qu'elle estime avoir subi en qualité de collaborateur occasionnel du service public de restauration scolaire. Ces moyens étaient distincts de celui tiré de ce que le département, en sa qualité de " maître de l'affaire ", devait intégralement lui rembourser les dépenses qu'elle avait exposées en sa qualité de gérante par application des règles énoncées aux articles 1372 et suivants du code civil. La commune de Fondettes est donc fondée à soutenir qu'en omettant de statuer sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire le versement d'une somme de 3 000 euros à la commune de Fondettes ; en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Fondettes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser au département d'Indre-et-Loire la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 10 janvier 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le département d'Indre-et-Loire versera une somme de 3 000 euros à la commune de Fondettes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département d'Indre-et-Loire présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Fondettes et au département d'Indre-et-Loire.