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Ariane Web: Conseil d'État 387515, lecture du 22 juin 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:387515.20150622

Décision n° 387515
22 juin 2015
Conseil d'État

N° 387515
ECLI:FR:Code Inconnu:2015:387515.20150622
Publié au recueil Lebon
9ème - 10ème SSR
M. Olivier Japiot, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public


Lecture du lundi 22 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 29 janvier, 11 février, 5 mars et 5 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...G...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1407620 du 30 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an et l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont, puis a proclamé élu, d'une part, M. E...C...en son lieu et place au conseil communautaire et, d'autre part, Mme H...F...en son lieu et place au conseil municipal ;

2°) de rejeter la saisine présentée au tribunal par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de valider son élection en qualité de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code électoral ;
- la décision du 7 mai 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. G... ;
- le code de justice administrative ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 8 et 9 juin 2015, présentées par M. G... ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;


1. Considérant que, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral, le tribunal administratif de Lille a, par le jugement attaqué du 30 décembre 2014, déclaré M. G...inéligible pour une durée d'un an et l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont (Nord), puis a proclamé élu, d'une part, M. E...C...au conseil communautaire et, d'autre part, Mme H...F...au conseil municipal ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles 2 à 4 du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à la suite des nouvelles opérations électorales en vue de la désignation de l'ensemble des conseillers municipaux et communautaires de la commune d'Hautmont, auxquelles il a été procédé le 1er février 2015, en raison de la démission de plus d'un tiers des membres du conseil municipal, l'appel de M. G...est devenu sans objet en tant qu'il était dirigé contre les articles 2 à 4 du jugement attaqué, le déclarant démissionnaire d'office des fonctions de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont auxquelles il avait précédemment été élu le 23 mars 2014, et proclamant élus, respectivement, M. C...et MmeF... ; qu'il n'y a plus lieu, dans cette mesure, d'y statuer ;

Sur l'intervention de M.B... :

3. Considérant qu'il n'y a plus lieu, dans la même mesure et pour les mêmes motifs, de statuer sur l'intervention présentée par M. B...au soutien des conclusions de la requête de M. G...dirigées contre les articles 2 à 4 du jugement attaqué ; que, s'agissant des conclusions dirigées contre l'article 1er par lequel le tribunal administratif a déclaré M. G... inéligible pour une durée d'un an, M. B...justifie, en sa qualité de membre de la liste conduite par le requérant, d'un intérêt suffisant pour intervenir à leur soutien ;

Sur les autres conclusions de la requête de M.G... :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-5 du code électoral : " (...) Le candidat ne peut être membre de l'association de financement qui le soutient ; dans le cas d'un scrutin de liste, aucun membre de la liste ne peut être membre de l'association de financement qui soutient le candidat tête de la liste sur laquelle il figure. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales./ (...) Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales./ L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision./ Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral qu'en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection prononce l'inéligibilité d'un candidat s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'alors même que le tribunal administratif a refusé de proclamer élu M. B...en lieu et place de M. G...en qualité de conseiller municipal au motif qu'il avait méconnu, comme ce dernier, les dispositions de l'article L. 52-5 du code électoral, la circonstance que le tribunal n'a pas communiqué à M. B...la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques visant M. G... n'a pas affecté le caractère contradictoire de la procédure à l'égard de celui-ci et ne saurait, dès lors et en tout état de cause, être invoquée utilement par le requérant à l'appui de ses conclusions d'appel restant en litige ; que celui-ci ne peut pas davantage se prévaloir utilement de ce que le jugement n'aurait pas été notifié à M. B...et à MmeF... ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si M. G...soutient que la version consolidée du code électoral présentée sur le site " Légifrance " ne comportait pas les dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral sur lesquelles s'est fondé le tribunal administratif pour prononcer son inéligibilité, un tel moyen est inopérant dès lors que le requérant ne conteste pas que ces dispositions, issues de la loi du 14 avril 2011, ont été régulièrement publiées au Journal officiel de la République française du 19 avril suivant et lui sont donc opposables en vertu des dispositions de l'article 1er du code civil ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. B...était à la fois membre de la liste conduite par M. G...et de l'association de financement soutenant celui-ci, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-5 du code électoral, citées au point 4 ; que si le requérant soutient que ce manquement résulte d'une erreur involontaire, il doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant commis un manquement d'une particulière gravité aux exigences découlant de l'article L. 52-5 du code électoral, justifiant le prononcé d'une inéligibilité d'un an, ainsi que l'a décidé à bon droit le tribunal administratif de Lille, dont le jugement est suffisamment motivé ;

9. Considérant qu'en raison de l'effet suspensif de l'appel, l'inéligibilité prononcée en application de l'article L. 118-3 du code électoral s'exécute à compter de la date à laquelle le jugement qui l'avait prononcée devient définitif, c'est-à-dire à la date de la décision du Conseil d'Etat rejetant l'appel du candidat en cause ; que, s'il résulte de la seconde phrase du quatrième alinéa du même article que l'inéligibilité n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision du juge, cette disposition, rapprochée de celle de la première phrase du même alinéa selon laquelle l'inéligibilité s'applique à toutes les élections, a pour seul objet de spécifier que l'inéligibilité à d'autres mandats que celui en cause devant le juge de l'élection ne vaut que pour l'avenir ; que, par suite, lorsqu'une nouvelle élection a permis au candidat d'obtenir à nouveau le même mandat avant qu'il soit définitivement statué sur l'élection qui avait donné lieu à la saisine du juge et au prononcé de l'inéligibilité, il appartient au juge de déclarer le candidat élu démissionnaire d'office du mandat en cause, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 118-3 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si l'inéligibilité de M. G... est sans effet sur le mandat de conseiller départemental qu'il a par ailleurs obtenu, il doit être déclaré démissionnaire d'office des mandats de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire issus des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 1er février 2015 ; qu'il y a lieu, par suite, de proclamer Mme H...F...élue en qualité de conseillère municipale de la commune d'Hautmont et M. E...C...élu en qualité de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont à la communauté d'agglomération Maubeuge Val de Sambre ; que les conclusions présentées par M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; qu'il en va de même, en tout état de cause, de celles de M. B... ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. G...dirigées contre les articles 2 à 4 du jugement attaqué, ni, dans la même mesure, sur l'intervention présentée par M.B....
Article 2 : Le surplus de l'intervention de M. B...est admis.
Article 3 : M. G...est déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont et inéligible pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
Article 4 : Mme H...F...est proclamée élue en qualité de conseillère municipale de la commune d'Hautmont. M. E...C...est proclamé élu en qualité de conseiller communautaire de la commune d'Hautmont à la communauté d'agglomération Maubeuge Val de Sambre.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G...et les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...G..., à M. D...B..., à M. E... C..., à Mme H...F..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


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