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Ariane Web: Conseil d'État 378804, lecture du 2 juillet 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:378804.20150702
Decision n° 378804
Conseil d'État

N° 378804
ECLI:FR:CESJS:2015:378804.20150702
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du jeudi 2 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 514,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortis des intérêts de droit et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 1007641 du 2 février 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 12VE01245 du 27 février 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement du tribunal administratif de Montreuil par MmeB....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 avril 2014, 28 juillet 2014 et 8 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 62 000 euros, assortis des intérêts de droit et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B...;



1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que peuvent être qualifiés de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de l'agent susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, par suite, en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'un harcèlement moral, que Mme B...n'établissait pas l'existence d'une " volonté délibérée " de sa hiérarchie de lui nuire dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher si les effets des agissements qu'elle imputait à l'administration, à les supposer avérés, ne pouvaient révéler un tel harcèlement moral, la cour a commis une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 27 février 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.