Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 389324, lecture du 6 juillet 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:389324.20150706

Décision n° 389324
6 juillet 2015
Conseil d'État

N° 389324
ECLI:FR:CESSR:2015:389324.20150706
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


Lecture du lundi 6 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 30 janvier 2013 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne a prononcé son déclassement de son poste d'opérateur au sein des ateliers de production de l'établissement, a produit deux mémoires, enregistrés les 23 janvier et 10 mars 2015 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1300751 du 7 avril 2015, enregistrée le 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers, avant qu'il soit statué sur la demande de M.B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et du dernier alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. A...B...;




1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées " ; que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de déclassement prise à son encontre par le directeur du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne ; que les dispositions précitées, qui ont pour seul objet la rémunération du travail des détenus, ne peuvent être regardées comme applicables, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, au litige dont le tribunal administratif est saisi, qui porte sur la légalité d'un retrait d'emploi fondé sur le comportement du requérant ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " La participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération " ; que ces dispositions sont applicables au litige dont est saisi le tribunal administratif de Poitiers ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit à l'emploi, à la liberté syndicale, au droit de grève et au principe de participation des travailleurs, respectivement garantis par les alinéas 5, 6, 7 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a seulement lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y a pas lieu pas de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 717-3 du code de procédure pénale.
Article 3 : La présence décision sera notifiée à M. A...B..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la section française de l'Observatoire international des prisons.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Poitiers.


Voir aussi