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Ariane Web: Conseil d'État 362289, lecture du 22 juillet 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:362289.20150722

Décision n° 362289
22 juillet 2015
Conseil d'État

N° 362289
ECLI:FR:CESJS:2015:362289.20150722
Inédit au recueil Lebon
8ème SSJS
M. Patrick Quinqueton, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 22 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le préfet de l'Hérault a déféré au tribunal administratif de Montpellier M. et Mme A... B...comme prévenus d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2132-3 et L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, sur la base d'un procès-verbal du 1er octobre 2008 constatant la présence d'enrochements sur le domaine public maritime au droit de la parcelle cadastrée AC 272 sur la commune de Vias.

Par un jugement n° 0805950 du 24 septembre 2010, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement M. et Mme B...à payer une amende de 1 000 euros, à retirer les enrochements litigieux et à remettre en état les dépendances du domaine public maritime dont l'occupation irrégulière a été constatée par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 1er octobre 2008, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un arrêt n° 10MA04205 du 26 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de M. et Mme B...tendant à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande présentée par le préfet de l'Hérault.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 août 2012, 28 novembre 2012 et 24 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, notamment son article 33 ;
- la décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. et Mme B...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie faisant état de la présence d'enrochements sur le domaine public maritime au droit de la parcelle cadastrée AC 272 appartenant à M. et MmeB..., située sur la commune de Vias, a été dressé le 1er octobre 2008 à leur encontre ; que ceux-ci se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 26 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 24 septembre 2010 du tribunal administratif de Montpellier les ayant condamnés solidairement à payer une amende de 1 000 euros, à retirer les enrochements et à remettre en état les dépendances du domaine public, sous astreinte ;

2. Considérant, en premier lieu, que, si M. et Mme B...soutiennent que la cour administrative d'appel se serait méprise sur la portée de leurs écritures en mentionnant, dans ses visas, des moyens qu'ils n'avaient pas soulevés, la cour a fondé son raisonnement au regard de l'argumentation effectivement présentée par les requérants, qu'elle a également visée, et n'a pas tenu compte de ces moyens mentionnés par erreur ; que, par suite, son arrêt n'est pas entaché d'irrégularité ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 de ce même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-26 du même code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal " ; que ce montant est fixé par cet article à " 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe (...) " ; que, par une décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré le 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques conforme à la Constitution sous réserve que le propriétaire ayant, sur le fondement de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807, élevé une digue à la mer sur sa propriété privée ne soit pas forcé de la détruire à ses frais lorsque cet ouvrage se trouve par la suite incorporé au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer ;

4. Considérant que M. et Mme B...n'ont pas contesté devant la cour administrative d'appel de Marseille l'affirmation de l'administration, résultant notamment de son mémoire en défense en date du 10 mai 2011, selon laquelle les enrochements litigieux avaient été édifiés à une date à laquelle la parcelle sur laquelle ces enrochements ont été construits appartenait déjà au domaine public maritime ; qu'il suit de là, d'une part, en tout état de cause, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant leur requête dirigée contre l'amende qui leur avait été infligée sans rechercher si, à la date de construction de l'ouvrage litigieux, la parcelle sur laquelle il avait été réalisé appartenait au domaine public maritime ; d'autre part, qu'elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en rejetant la requête dirigée contre l'obligation qui leur avait été faite de procéder à la remise en état des lieux, alors même que, par la décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que la destruction d'un ouvrage régulièrement construit sur une propriété privée ne peut être imposée à un propriétaire à ses frais au seul motif que la progression de la mer a eu pour effet d'incorporer cet ouvrage au domaine public maritime ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et MmeB... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.