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Ariane Web: Conseil d'État 390484, lecture du 22 juillet 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:390484.20150722

Décision n° 390484
22 juillet 2015
Conseil d'État

N° 390484
ECLI:FR:CESSR:2015:390484.20150722
Inédit au recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
M. François Monteagle, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public


Lecture du mercredi 22 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) a désigné les représentants de la commune au sein de la société d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat, a produit un mémoire, enregistré le 29 avril 2015 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1405907 QPC du 26 mai 2015, enregistrée le 28 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montreuil, avant qu'il soit statué sur la demande de M.A..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des premiers alinéas de l'article L. 1524-5 et de l'article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans deux mémoires enregistrés les 17 et 24 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... soutient que le premier alinéa de l'article L. 1524-5 et l'article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales, applicables au litige, méconnaissent le principe constitutionnel de pluralisme des courants d'idées et d'opinions et l'exigence de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation, garantis par le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution.

Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2015, la société anonyme d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies. Elle demande au Conseil d'Etat de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2015, la commune de Noisy-le-Sec soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies. Elle demande au Conseil d'Etat de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2015, le ministre de l'intérieur soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 4 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution : " La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation " ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, relatif à l'administration des sociétés d'économie mixte locale : " Toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales actionnaire a droit au moins à un représentant au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, désigné en son sein par l'assemblée délibérante concernée. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-33 du même code : " Le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d'organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes " ;

4. Considérant que M. A...soutient que le premier alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales et l'article L. 2121-33 du même code, dont les dispositions combinées fixent les modalités de désignation des représentants des conseils municipaux au sein des sociétés d'économie mixte locales, méconnaissent les principes de pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation énoncés à l'article 4 de la
Constitution ;

5. Considérant, toutefois, que les modalités de désignation des représentants des conseils municipaux au sein d'organes d'administration et de gestion des sociétés d'économie mixte locales, qui sont des sociétés anonymes, ne se rattachent pas à l'expression du suffrage et ne sont relatives ni à la vie politique, ni à la vie démocratique ; que le moyen tiré de la méconnaissance des principes de pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation est dès lors inopérant ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

7. Considérant que si, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ", la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées par la société anonyme d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat et la commune de Noisy-le-Sec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée ; que, par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Montreuil.
Article 2 : Les conclusions de la société anonyme d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat et de la commune de Noisy-le-Sec présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la commune de Noisy-le-Sec, à la société anonyme d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre ainsi qu'au tribunal administratif de Montreuil.