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Ariane Web: Conseil d'État 375016, lecture du 21 septembre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:375016.20150921
Decision n° 375016
Conseil d'État

N° 375016
ECLI:FR:CESSR:2015:375016.20150921
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème / 5ème SSR
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats


Lecture du lundi 21 septembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime a porté plainte devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie contre Mme B...A.... Par une décision n° 15/2011 du 6 avril 2012, la chambre disciplinaire a infligé à Mme A...la peine de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans.

Par une décision n° 11636 du 6 décembre 2013, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté l'appel formé par Mme A...contre cette décision et décidé que la sanction serait exécutée entre le 1er mars 2014 et le 28 février 2017.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme A...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime et du Conseil national de l'ordre des médecins ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., médecin ophtalmologiste, a fait l'objet d'une plainte disciplinaire par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime pour des faits qui se sont déroulés au cours de l'année 1982, antérieurement à son inscription au tableau de l'ordre des médecins ; qu'elle se pourvoit en cassation contre la décision du 6 décembre 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté son appel dirigé contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie du 6 avril 2012 lui infligeant la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans ;

2. Considérant que la circonstance que des faits reprochés à un médecin sont antérieurs à son inscription à un tableau de l'ordre ne fait pas obstacle à ce que les juridictions disciplinaires de l'ordre puissent apprécier si ceux de ces faits qui n'étaient pas connus lors de l'inscription de l'intéressé sont, par leur nature, incompatibles avec son maintien dans l'ordre et prononcer, si tel est le cas, la radiation du tableau de l'ordre ; que les juridictions disciplinaires n'ont toutefois pas compétence, dans ce cas, pour prononcer une sanction autre que la radiation ;

3. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les faits à raison desquels Mme A...a fait l'objet d'une poursuite disciplinaire ont été commis par l'intéressée antérieurement à son inscription au tableau de l'ordre des médecins ; qu'il en résulte que la chambre disciplinaire de première instance n'avait pas compétence pour prononcer à son encontre d'autre sanction que celle de la radiation du tableau, entraînant une interdiction définitive d'exercer ; qu'ainsi, en ne retenant pas le moyen tiré de l'incompétence de cette juridiction pour prononcer une sanction d'interdiction d'exercice de trois ans, la chambre disciplinaire nationale a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, sa décision doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie n'avait pas compétence pour prononcer à l'encontre de Mme A...une autre sanction que celle de la radiation du tableau ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, sa décision doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la plainte présentée par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime ;

7. Considérant que si le juge disciplinaire n'a, en l'espèce, pas compétence pour prononcer d'autre sanction que celle de la radiation définitive du tableau, il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel saisi du seul recours de la personne frappée par la sanction ; que cette règle s'applique y compris dans le cas où le juge d'appel, après avoir annulé la décision de première instance, se prononce par voie d'évocation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la décision de la chambre disciplinaire de première instance n'ayant en l'espèce fait l'objet que de l'appel de Mme A..., la sanction de radiation ne saurait être prononcée sans méconnaître le principe rappelé au point 7 ; que, par suite, la plainte du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime ne peut qu'être rejetée ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 6 décembre 2013 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins et la décision du 6 avril 2012 de la chambre disciplinaire de première instance de Haute-Normandie sont annulées.
Article 2 : La plainte du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A...est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., au Conseil national de l'ordre des médecins et au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime.


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