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Ariane Web: Conseil d'État 374639, lecture du 30 septembre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:374639.20150930

Décision n° 374639
30 septembre 2015
Conseil d'État

N° 374639
ECLI:FR:CESJS:2015:374639.20150930
Inédit au recueil Lebon
8ème SSJS
M. Mathieu Herondart, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
LE PRADO ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 30 septembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 28 mars 2007 par laquelle le conseil municipal de Castelnau-Pégayrols (Aveyron) a décidé l'aliénation de portions de deux chemins ruraux. Par un jugement n° 0702595 du 15 juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12BX02207 du 14 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. A...et de MmeD..., annulé ce jugement et la délibération du 28 mars 2007.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Castelnau-Pégayrols demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. A...et Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...et Mme D...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code rural ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Castelnau Pegayrols et à Me Le Prado, avocat de M. A...et de Mme D...;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 28 mars 2007, le conseil municipal de Castelnau-Pégayrols a autorisé le maire à procéder à l'aliénation d'une portion de chacun des chemins ruraux dits " de la Jasse " et " de Serieysses " ; que, par un jugement du 15 juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A...et Mme D...tendant à l'annulation de cette délibération ; que la commune de Castelnau-Pégayrols se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et la délibération du 28 mars 2007 ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 161-10 du code rural que la vente d'un chemin rural peut être décidée par le conseil municipal lorsque ce chemin cesse d'être affecté à l'usage public ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale " ; qu'un seul des éléments indicatifs figurant à l'article L. 161-2 permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public ;

3. Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que les chemins ruraux en cause dans le litige étaient régulièrement utilisés lors de promenades à pied ou à bicyclette ; que la circonstance qu'ils se termineraient en impasse n'est pas, en tant que telle, de nature à faire obstacle à ce qu'ils puissent être regardés comme une voie de passage, au sens de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite, la cour, qui n'a pas omis de rechercher si ces chemins ruraux étaient utilisés comme voie de passage, n'a pas méconnu l'article L. 161-2 du code ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en estimant que le chemin rural de la Jasse devait être regardé comme affecté à l'usage du public, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu'en revanche, en estimant que le chemin rural de Serieysses devait être regardé comme affecté à l'usage du public, alors que le rapport du commissaire-enquêteur indiquait que ce chemin était impraticable sur une première partie du parcours au départ du Monteillat et qu'un chemin de substitution avait été créé, la cour a dénaturé les pièces du dossier ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Castelnau- Pégayrols est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a annulé, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a statué sur le chemin rural de Serieysses et, d'autre part, la délibération du 28 mars 2007 en tant qu'elle portait sur ce même chemin rural ;

6. Considérant que ni la commune de Castelnau-Pégayrols ni M. A...et Mme D... ne sont les parties perdantes à l'instance ; qu'il y a lieu par suite de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 est annulé, en tant qu'il a annulé le jugement du 15 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse et la délibération du 28 mars 2007 en tant qu'ils portaient sur le chemin rural de Serieysses.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées respectivement par M. A...et Mme D... et par la commune de Castelnau-Pégayrols sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le surplus des conclusions du pourvoi de la commune de Castelnau-Pégayrols, sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à Mme C... D... et à la commune de Castelnau-Pégayrols.