Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 391841, lecture du 30 septembre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:391841.20150930

Décision n° 391841
30 septembre 2015
Conseil d'État

N° 391841
ECLI:FR:CESSR:2015:391841.20150930
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public


Lecture du mercredi 30 septembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le syndicat réunionnais des exploitants de stations-service, la société Station-service Le Guillaume, la société JDS, la société Station Total Suzanne, la société T.S.P., la société J2MA, la société SCLP, l'EURL LDS Services et l'EURL Station Zac Bank, à l'appui de leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de la Réunion du 2 février 2015 rendant public le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement (PPRA), ont produit un mémoire, enregistré le 27 avril 2015 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1500462 du 10 juillet 2015, enregistrée le 20 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Saint-Denis, avant qu'il soit statué sur la demande du syndicat réunionnais des exploitants de stations-service et autres, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 671-2 et L. 671-3 du code de l'énergie.




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 671-2 du code de l'énergie : " Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, et pour le secteur des produits pétroliers, soumis à une réglementation des prix en application du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce, les entreprises soumises à cette réglementation ne peuvent décider d'interrompre leur activité de distribution que dans les conditions fixées au présent article. / Chaque année, le représentant de l'Etat territorialement compétent rend public, après concertation avec les entreprises du secteur de la distribution en gros et l'organisation professionnelle représentative des exploitants des stations-service ou, à défaut d'existence d'une telle organisation, les exploitants des stations-service, un plan de prévention des ruptures d'approvisionnement. Le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement garantit, en cas d'interruption volontaire de son activité par toute entreprise du secteur de la distribution de gros, la livraison de produits pétroliers pour au moins un quart des détaillants de son réseau de distribution. Ce plan contient la liste de ces détaillants, nommément désignés et répartis sur le territoire afin d'assurer au mieux les besoins de la population et de l'activité économique. La liste contenue dans le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement peut être mise à jour chaque année dans les mêmes conditions. / Si, en cas d'interruption volontaire de son activité, une entreprise du secteur de la distribution en gros refuse d'approvisionner les détaillants de son réseau de distribution mentionnés au plan de prévention des ruptures d'approvisionnement, le représentant de l'Etat procède à sa réquisition, sans préjudice des pouvoirs de droit commun qu'il détient en vertu de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales en cas de troubles, constatés ou prévisibles, à l'ordre public. / En cas de décision concertée des entreprises de distribution de détail du secteur des produits pétroliers d'interrompre leur activité, sans que cette interruption soit justifiée par la grève de leurs salariés ou par des circonstances exceptionnelles, l'organisation professionnelle représentative des exploitants des stations-service ou, à défaut d'existence d'une telle organisation, les exploitants des stations-service en informent le représentant de l'Etat territorialement compétent au moins trois jours ouvrables avant le début de leur action. Les points de vente figurant dans le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement mentionné au deuxième alinéa du présent article ne peuvent faire l'objet d'une telle interruption. / Lorsque les points de vente figurant dans le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement font l'objet d'une interruption de leur activité à la suite d'une décision concertée des entreprises de distribution de détail, le représentant de l'Etat procède à leur réquisition, dans les conditions prévues à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, sans préjudice des pouvoirs de droit commun qu'il détient en vertu du même article en cas de troubles, constatés ou prévisibles, à l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article L. 671-3 du même code : " Est puni de 50 000 euros d'amende le fait pour une entreprise du secteur de la distribution en gros de produits pétroliers de ne pas respecter le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement mentionné à l'article L. 671-2 " ;

3. Considérant que les articles L. 671-2 et L. 671-3 du code de l'énergie sont applicables au litige ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit de grève, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 671-2 et L. 671-3 du code de l'énergie est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat réunionnais des exploitants de stations-service, à la société Station-service Le Guillaume, à la société JDS, à la société Station Total Suzanne, à la société TSP, à la société J2MA, à la société SCLP, à l'EURL LDS Services et à l'EURL Station Zac Bank.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, à la ministre des outre-mer et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, ainsi qu'au tribunal administratif de La Réunion.






Voir aussi