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Ariane Web: Conseil d'État 382591, lecture du 5 octobre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:382591.20151005

Décision n° 382591
5 octobre 2015
Conseil d'État

N° 382591
ECLI:FR:CESJS:2015:382591.20151005
Inédit au recueil Lebon
9ème sous-section jugeant seule
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats


Lecture du lundi 5 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Jenzi a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la restitution, par la commune d'Hyères (Var), d'une somme de 569 539 euros versée à titre de participation à des équipements publics réalisés à l'occasion d'un programme de logements dans le cadre d'une zone d'aménagement concertée. Par un jugement n° 1002781 du 8 juin 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12MA03059 du 15 mai 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Jenzi contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Jenzi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Jenzi et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la commune d'Hyères ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 septembre 2015, présentée par la commune d'Hyères ;


1. Aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. / Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l'objet des autorisations mentionnées à l'article L. 332-28 ou situés dans une zone d'aménagement concerté peuvent également exercer l'action en répétition prévue à l'alinéa précédent. Pour ces personnes, l'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter de l'inscription sur le registre prévu à l'article L. 332-29 attestant que le dernier versement a été opéré ou la prestation obtenue. / Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points ". Aux termes de l'article L. 311-4 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne peut être mis à la charge de l'aménageur de la zone que le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la zone. / Lorsque la capacité des équipements programmés excède les besoins de l'opération, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge de l'aménageur. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Jenzi et la commune d'Hyères ont conclu le 22 mai 2006 un traité de concession en vue de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté du Soleil. La commune en a confié l'aménagement et l'équipement à la société Jenzi et s'est engagée, moyennant une participation financière du concessionnaire, à réaliser des équipements d'infrastructure et de superstructure. La participation de la société Jenzi a été fixée à la somme totale de 600 000 euros, correspondant, en vertu des stipulations de l'annexe VIII à cette convention, à hauteur de 100 000 euros, à la création d'un carrefour giratoire et, à hauteur de 500 000 euros, à la construction de deux salles de classes. Par un jugement du 8 juin 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société Jenzi tendant au remboursement de la fraction de cette participation correspondant aux équipements scolaires qui n'ont pas été réalisés, soit 569 539 euros. La société Jenzi se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 mai 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l'irrecevabilité de ses conclusions de première instance, au motif qu'à défaut de rapporter la preuve de ce que la participation litigieuse n'a pas été répercuté sur le prix de vente des terrains payé par les sous-acquéreurs, elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir sur le fondement de l'article L. 332-30 précité du code de l'urbanisme.

3. Il résulte des termes précités de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme que les actions en répétition soumises à la règle de prescription spéciale qu'institue ce texte sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou contributions autres que celles dont il dispose qu'elles peuvent, seules, être légalement exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire. Il suit de là qu'en accueillant la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Hyères, tirée de ce que la société Jenzi ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir sur ce fondement, alors que le versement litigieux a été effectué par cette société au titre de la participation prévue à l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme et pouvait dès lors être légalement exigé, la cour a méconnu le champ d'application de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Jenzi est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les moyens du pourvoi.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Jenzi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 3 500 euros à verser à la société Jenzi au titre de ces mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 15 mai 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La commune d'Hyères versera à la SA Jenzi la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Hyères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Jenzi et à la commune d'Hyères.