Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 369995, lecture du 14 octobre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:369995.20151014

Décision n° 369995
14 octobre 2015
Conseil d'État

N° 369995
ECLI:FR:Code Inconnu:2015:369995.20151014
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème SSR
Mme Manon Perrière, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats


Lecture du mercredi 14 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains et M. A...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 avril 2010 du préfet de l'Yonne autorisant le défrichement de 19 ha 74 a 78 ca des parcelles de bois situées sur le territoire de la commune de Courson-les-Carrières au profit de la société La Provençale.

Par un jugement n° 1001451,1001473 du 3 janvier 2012, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 12LY00695 du 7 mai 2013, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 8 juillet et 8 octobre 2013 et les 10 août et 22 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le comité de défense et M. A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société La Provençale le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains et de M. A...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société La Provencale ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 mars 2008, le préfet de l'Yonne a autorisé le défrichement de parcelles de bois appartenant aux communes de Courson-les-Carrières et de Fontenailles au profit de la société La Provençale, sur une surface de plus de 19 ha ; que cet arrêté ayant été annulé en juin 2009, le préfet a de nouveau autorisé le défrichement de ces parcelles par un arrêté du 16 avril 2010 ; que, par un jugement du 3 janvier 2012, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande du comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains et de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté de 2010 ; que ces derniers se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a rejeté leur demande de première instance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code forestier, alors applicable : " La demande d'autorisation de défrichement est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au préfet du département où sont situés les terrains à défricher ou déposée contre récépissé à la préfecture de ce département. / (...) La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les informations et documents suivants : / (...) 3° Lorsque le demandeur est une personne morale, l'acte autorisant le représentant qualifié de cette personne morale à déposer la demande ; (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si l'arrêté préfectoral du 25 mars 2008 mentionne que la demande initiale de la société La Provençale, présentée le 12 juillet 2007, a fait l'objet d'un refus tacite, il précise que ce refus est intervenu du fait du caractère incomplet du dossier et qu'une deuxième demande, identique à la première, a été présentée le 23 janvier 2008 pour régulariser ce dossier ; qu'ainsi, après l'annulation de cet arrêté préfectoral, le préfet de l'Yonne s'est de nouveau trouvé saisi de la demande déposée régulièrement le 23 janvier 2008, qui reprenait les termes de la demande du 12 juillet 2007 ; qu'il en résulte qu'en jugeant que le courrier adressé par la société La Provençale au préfet le 15 janvier 2010, pour demander la réouverture de l'instruction et souligner l'existence d'une procédure parallèle de distraction du régime forestier, ne constituait pas une demande nouvelle et n'avait donc pas à être accompagnée, en vertu des dispositions de l'article R. 311-1 précité, de l'acte autorisant le représentant qualifié de cette société à déposer la demande, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 122-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige porté devant les juges du fond, qui en vertu du 6° du même article est applicable aux travaux de défrichement et de premiers boisements soumis à autorisation et portant sur une superficie inférieure à 25 hectares : " Pour les travaux et projets d'aménagements définis au présent article, la dispense, prévue aux articles R. 122-5 à R. 122-8, de la procédure d'étude d'impact est subordonnée à l'élaboration d'une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée satisfait aux préoccupations d'environnement " ; qu'après avoir relevé que la demande d'autorisation de défrichement et la demande de distraction de certaines parcelles du régime forestier font l'objet de deux procédures d'instruction distinctes, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'absence de prise en compte dans la notice élaborée dans le cadre de la procédure d'autorisation de défrichement d'une éventuelle distraction ultérieure des parcelles ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'autorisation de défrichement délivrée par le préfet de l'Yonne le 16 avril 2010 était assortie d'une obligation de reboisement dans une zone précise et d'un calendrier précis et soulignait que le choix des parcelles à reboiser et des essences forestières se ferait en concertation avec les services de l'Etat chargés des forêts ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en estimant que les mesures de reboisement prévues par la notice d'impact et l'arrêté de défrichement étaient définies de manière suffisamment précise au regard des dispositions de l'article L. 311-4 du code forestier, alors applicable, doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code forestier, alors applicable : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire : (...) / 3° A l'existence des sources, cours d'eau et zones humides et plus généralement à la qualité des eaux " ; que la cour, après avoir souligné, d'une part, qu'il ressortait de la notice d'impact réalisée dans le cadre de la demande d'autorisation de défrichement, que les terrains concernés par le défrichement, donc par la distraction, ne recoupaient aucun périmètre de protection de captage d'alimentation en eau potable et, d'autre part, que cette notice, ainsi qu'une étude hydrologique effectuée en 2007, montraient que l'impact transitoire du défrichement était minime sur l'écoulement des eaux de surface, l'impact le plus pérenne étant celui de l'exploitation de la carrière et l'hydrogéologue ayant conclu favorablement à cette exploitation, a jugé que l'arrêté préfectoral autorisant le défrichement ne méconnaissait pas ces dispositions ; qu'elle a ainsi suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 312-4 du code forestier, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la demande est présentée sur le fondement de l'article L. 312-1, l'autorisation est accordée par le préfet après avis de l'Office national des forêts " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-1 du même code : " Les collectivités ou personnes morales mentionnées au premier alinéa de l'article L. 141-1 ne peuvent faire aucun défrichement de leurs bois sans une autorisation expresse et spéciale de l'autorité supérieure " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 141-1 : " L'application du régime forestier des bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution, et des terrains à boiser appartenant aux régions, aux départements, communes ou sections de communes, établissements publics, établissements d'utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d'épargne, est prononcée par l'autorité administrative, le représentant de la collectivité ou personne morale intéressée entendu " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un avis de l'Office national des forêts (ONF) est requis pour les demandes qui, présentées sur le fondement de l'article L. 312-1 du même code, portent sur des bois appartenant aux régions, départements, communes ou sections de communes, établissements publics, établissements d'utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d'épargne ; qu'ainsi, en jugeant que seules les demandes présentées par les collectivités, établissements ou sociétés dont l'article L. 312-1 du code forestier établit la liste requièrent l'avis de l'ONF, pour écarter comme inopérant le moyen tiré de ce qu'un avis de l'office était requis à l'appui de la demande de la SA La Provençale, la cour a commis une erreur de droit ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un avis de l'ONF a été émis dans le cadre de l'instruction de la demande présentée le 12 juillet 2007 par la société et régularisée le 23 janvier 2008 ; que ce motif, qui répond au moyen invoqué devant les juges du fond et tiré de ce que cet avis n'avait pas été émis, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué dont il justifie le dispositif ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains et M. A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 7 mai 2013 ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des requérants la somme de 3 000 euros à verser à la SA La Provençale au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le pourvoi du comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains et de M. A...est rejeté.
Article 2 : Le comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains et M. A...verseront solidairement la somme de 3 000 euros à la SA La Provençale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité de défense du bois des Rochottes et de ses riverains, à M. B...A..., à la société La Provençale ainsi qu'au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée aux communes de Courson-les-Carrières et de Fontenailles et l'association Le Varne.


Voir aussi