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Ariane Web: Conseil d'État 388560, lecture du 16 octobre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:388560.20151016

Décision n° 388560
16 octobre 2015
Conseil d'État

N° 388560
ECLI:FR:CESJS:2015:388560.20151016
Inédit au recueil Lebon
5ème SSJS
M. Marc Lambron, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public


Lecture du vendredi 16 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

A la suite de sa décision du 26 novembre 2014 rejetant le compte de campagne de M. A...B..., la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 1411380 du 12 février 2015, le tribunal administratif a déclaré M. B...inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de la commune de Soisy-sous-Montmorency et a proclamé élue Mme C...D....

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mars et 3 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de décider qu'il n'y a pas lieu de rejeter son compte de campagne et de prononcer son inéligibilité.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;



1. Considérant que, par décision du 26 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A...B..., candidat aux élections municipales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Soisy-sous-Montmorency, au motif que le candidat avait payé directement certaines dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire financier ; que, saisi par cette commission en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement du 12 février 2015 dont l'intéressé relève appel, a déclaré M. B...inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal et a proclamé élu le suivant de liste ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée "le mandataire financier". (...) / (...) Le mandataire financier (...) règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. (...) " ;

3. Considérant que si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de sa campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, en prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B...a lui-même réglé 1 355 euros de dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire ; que ce montant, qui représente 52 % du montant total des dépenses et 5, 2 % du plafond des dépenses électorales autorisées dans cette circonscription, n'est ni faible par rapport aux dépenses de campagne, ni négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit ;

4. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral dispose que le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, " prononce (...) l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales " ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; qu'en cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, le juge doit tenir compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le montant payé directement par M. B... en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral représente plus de la moitié des dépenses inscrites à son compte de campagne ; que l'intéressé a ainsi commis un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, qui a présenté un caractère délibéré ; qu'eu égard à la gravité de ce manquement, et alors même que son compte de campagne ne fait pas apparaître d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois et a, en conséquence, annulé son élection ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.