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Ariane Web: Conseil d'État 367019, lecture du 21 octobre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:367019.20151021

Décision n° 367019
21 octobre 2015
Conseil d'État

N° 367019
ECLI:FR:CESSR:2015:367019.20151021
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; HAAS, avocats


Lecture du mercredi 21 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

1° M. BR...DT..., M. G...-AP...CQ..., M. CJ...DU..., M. X... DJ..., Mme CB...AM..., M. G...-BO...BA..., M. BD...BQ..., Mme DN...EM..., Mme DL...DG..., M. G...-EP...DD..., M. K...DW..., M. BI... DS..., M. G...DM..., M. CI...DA..., M. G...-AP...BM..., M. A...AW..., M. CC...CV..., M. X...AU..., M. G...Q..., Mme DY...AD..., M. R... Y..., M. BF...CP..., M. BE...DF..., M. BS...EI..., M. CI...AZ..., M. BZ...CS..., M. G...-AP...AC..., M. BD...EI..., maître CM...DQ...en charge de la succession de M. BH...BP..., M. CT...EC..., M. CE...EG..., M. F...CJ..., M. AY...BW..., M. N...EN..., M. K...BJ..., M. H...DO..., M. X...AL..., Mme DH...CR..., M. AP...AS..., M. BO... BY..., M. CG...AO..., M. N...CU..., M. AF...ED..., M. AT...AN..., M. N...DK..., M. BD...CD..., M. AB...BB..., M. D...O..., M. CT...U..., M. AB...DX..., Mme DV...CY..., M. BL...DE..., M. AJ...S..., M. N...EL..., M. G...CW..., M. BC...BK..., M. T...AH..., M. CL...BT..., M. AJ...EA..., M. J...DC..., M. AE...EO..., Mme BV...AK..., M. CA...EB..., M. BE...I..., M. G...-AP...BG..., M. CI...BN..., M. DP... AR..., M. CO... P..., M. BL...AQ..., M. H...B..., M. CG...EJ..., M. G...-CG...DI..., M. N...EH..., M. CL...AV..., M. BR...DZ..., M. AT...EE..., M. BD...EF..., M. G...-AP...CN..., M. CA...EK..., M. BD...W..., Mme DB...BU..., M. CL...BX..., M. BR...Z..., M. G... -BO...DR..., M. BL... M..., M. J...AA..., Mme K...AX..., M. CK...V...et l'association du port privé des quatre chemins ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :
- les arrêtés du 14 décembre 2006 par lesquels le président de la communauté de communes du lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du lac du Bourget, a résilié à compter du 1er janvier 2007 la concession d'occupation permanente dont chacun d'eux, à l'exception de l'association requérante, était titulaire dans le port des quatre chemins ;
- les arrêtés du même jour par lesquels la même autorité les a autorisés, à l'exception de l'association requérante, à occuper pour un an un emplacement dans le port, en tant que ces arrêtés les placent dans la situation d'occupants précaires du domaine public.

Par un jugement n° 0700929 du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

2° M. CC...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2006 par lequel le président de la communauté de communes du lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du lac du Bourget, lui a accordé à compter du 1er janvier 2007 une autorisation annuelle d'occupation du port des quatre chemins, en tant qu'il devient bénéficiaire d'une simple autorisation révocable alors qu'il était auparavant titulaire d'une concession.

Par un jugement n° 0701940 du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

3° M. CT...AG..., M. L...CX..., M. BO...-G...CH..., M. BD...AI..., M. CZ... CF...et M. CI...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 14 décembre 2006 par lesquels le président de la communauté de communes du lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du lac du Bourget, a résilié à compter du 1er janvier 2007 les concessions d'occupation permanente dont ils bénéficiaient dans le port des quatre chemins.

M. AG...a en outre demandé au tribunal administratif d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2006 par lequel le président de la communauté de communes du lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du lac du Bourget, l'a autorisé à occuper pour un an, à compter du 1er janvier 2007, un emplacement dans le port des quatre chemins, en tant que cet arrêté le place dans la situation d'occupant précaire du domaine public.

M.CX..., M.CH..., M.AI..., M. CF...et M. C...ont en outre demandé au tribunal administratif d'annuler les arrêtés du 30 mars 2007 par lesquels le président de la communauté d'agglomération du lac du Bourget les a autorisés à occuper pour un an, à compter du 1er janvier 2007, un emplacement dans le port des quatre chemins, en tant que ces arrêtés les placent dans la situation d'occupants précaires du domaine public.

Par un jugement n° 0703004 du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 11LY02310 du 17 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. DT...et autres, de M. E...et de M. AG...et autres, annulé les trois jugements du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Grenoble rejetant les demandes des requérants, ainsi que les arrêtés des 14 décembre 2006 et 30 mars 2007.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 19 juin 2013 et le 28 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération du lac du Bourget demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de M. DT...et autres, de M. E...et de M. AG...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. DT...et autres une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la Communaute d'agglomeration du Lac du Bourget (CALB) et à Me Haas, avocat de M. BR...DT...et autres ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. DT...et autres, M. E...et M. AG...et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des arrêtés par lesquels le président de la communauté de communes du lac du Bourget et le président de la communauté d'agglomération du lac du Bourget leur ont accordé, à compter du 1er janvier 2007, une autorisation annuelle d'occupation du domaine public dans le port des quatre chemins, créé en 1968, alors qu'ils disposaient auparavant de conventions d'occupation sans limitation de durée ; que, par trois jugements du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes ; que, par un arrêt du 17 janvier 2013 contre lequel la communauté d'agglomération du lac du Bourget se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé les jugements du 5 juillet 2011 et les arrêtés contestés ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure dans sa rédaction en vigueur en 1968, seules des dépendances appartenant à l'Etat relevaient du domaine public fluvial ; qu'aux termes de l'article 1er de ce même code, dans sa rédaction issue de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : " Le domaine public fluvial comprend : / - les cours d'eau navigables ou flottables (...) ; / (...) - les ports intérieurs et leurs dépendances ; / (...) - les cours d'eau, canaux, lacs, plans d'eau et ports intérieurs appartenant au domaine public fluvial des collectivités territoriales et de leurs groupements (...) " ; qu'aux termes de l'article 1-5 du même code, créé par la même loi : " Les collectivités territoriales et leurs groupements sont compétents pour créer, aménager et exploiter les ports intérieurs dont ils sont ou deviennent propriétaires (...). / Le classement d'un port intérieur dans le domaine public et son déclassement du domaine public s'opèrent conformément aux dispositions d'une part de l'article 2-1, d'autre part des premier, troisième et dernier alinéas de l'article 4 " ; qu'en vertu de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques, enfin, le domaine public fluvial artificiel est constitué, notamment, des canaux et plans d'eau appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements et classés dans leur domaine public fluvial, ainsi que des biens immobiliers appartenant à l'une de ces personnes publiques et concourant au fonctionnement d'ensemble des ports intérieurs ; que l'article L. 2111-12 du même code fixe les règles relatives au classement dans le domaine public fluvial de l'une de ces personnes publiques et prévoit, dans son dernier alinéa, que celles-ci sont applicables aux ports intérieurs ;

3. Considérant que la cour a relevé que le port des quatre chemins, qui était la propriété du syndicat intercommunal du lac du Bourget puis de la communauté de communes du lac du Bourget et de la communauté d'agglomération du lac du Bourget qui lui ont succédé, n'appartenait pas au domaine public fluvial lors de sa création et n'a fait l'objet ensuite d'aucune décision de classement dans le domaine public fluvial du syndicat intercommunal du lac du Bourget ou des établissements publics de coopération intercommunale qui lui ont succédé en application des dispositions citées au point 2 ; qu'elle en a déduit, à bon droit, que, pour déterminer si le port appartenait au domaine public de ces établissements publics de coopération intercommunale, il lui incombait de vérifier s'il était affecté à l'usage direct du public ou s'il était affecté à un service public et spécialement aménagé en vue de ce service public ;

4. Considérant que, pour juger que le port des quatre chemins ne pouvait être regardé comme affecté à un service public, la cour s'est bornée à relever que son financement avait été assuré par la vente à environ cent cinquante particuliers de concessions d'emplacements, d'une durée illimitée, transmissibles et cessibles et que son accès était interdit aux personnes qui ne sont ni concessionnaires ni locataires d'un emplacement ; qu'en se fondant sur de telles circonstances, qui ne pouvaient par elles-mêmes faire obstacle à ce que le port soit affecté à un service public, la cour a commis une erreur de droit ; que la communauté d'agglomération du lac du Bourget est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération du lac du Bourget qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de M. DT...et autres la somme totale de 3 000 euros à verser au même titre à la communauté d'agglomération du lac du Bourget ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : M. DT...et autres verseront à la communauté d'agglomération du lac du Bourget la somme totale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. DT...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération du lac du Bourget et à M. BR...DT..., premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


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