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Ariane Web: Conseil d'État 390080, lecture du 23 octobre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:390080.20151023

Décision n° 390080
23 octobre 2015
Conseil d'État

N° 390080
ECLI:FR:CESSR:2015:390080.20151023
Inédit au recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP LE BRET-DESACHE, avocats


Lecture du vendredi 23 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 15 février 2012 rejetant sa demande d'autorisation d'assigner la commune de Bouvesse-Quirieu devant le tribunal de grande instance pour le compte de la section de commune de Bouvesse, en application de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales. Par un jugement n° 1202122 du 4 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13LY03060 du 10 mars 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B...contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mai et 4 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 62 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2411-16 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. B...;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige, le conseil municipal a compétence pour autoriser seul la vente de biens d'une section de commune lorsque cette vente " a pour but la réalisation d'un investissement nécessaire à l'exécution d'un service public, à l'implantation de lotissements ou à l'exécution d'opérations d'intérêt public " ;

4. Considérant que M. B...soutient que ces dispositions, en ce qu'elles autorisent la commune à vendre des biens de la section de commune sans consultation des électeurs de cette section, méconnaissent le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et portent atteinte à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la même Déclaration ;

5. Considérant, en premier lieu, d'une part, que la protection du droit de propriété, qui résulte des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, concerne aussi la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques ; que selon l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, une section de commune possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ; que, toutefois, les dispositions contestées n'autorisent le conseil municipal à décider seul de la vente d'un bien de la section de commune que lorsque cette vente a pour but la réalisation d'un investissement nécessaire à l'exécution d'un service public ou d'une opération d'intérêt public ou, pour attirer de nouveaux habitants dans la commune, à l'implantation d'un lotissement ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige, que le produit de cette vente, qui ne peut porter que sur une partie des biens de la section, ne peut être employé que dans l'intérêt de cette dernière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions critiquées méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de propriété des personnes publiques ne présente pas un caractère sérieux ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; qu'ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'aliénation des biens d'une section de commune porterait atteinte au droit de propriété de ses membres est inopérant ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, d'une part, les dispositions critiquées n'autorisent le conseil municipal à décider seul de la vente d'un bien de la section de commune que pour des finalités déterminées, répondant à un intérêt général suffisant, et, d'autre part, le produit de la vente doit être employé dans l'intérêt de la section ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction applicable au litige, méconnaissent l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne peut être regardé comme sérieux ;

8. Considérant, par suite, que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

Sur les autres moyens :

9. Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque, M. B...soutient que :
- la cour a méconnu l'article R. 613-3 du code de justice administrative en rouvrant l'instruction après la production du mémoire en défense du ministre de l'intérieur alors que ce dernier ne justifiait pas qu'il aurait été dans l'impossibilité de présenter ses arguments avant la clôture de l'instruction ;
- elle a insuffisamment motivé son arrêt en ne se précisant pas les éléments permettant de qualifier l'objet de la vente en litige d'opération d'utilité publique et en ne répondant pas à son moyen tiré du caractère inopérant de la revente du bien par la communauté de communes ;
- elle a commis une erreur de droit en estimant que l'action en résiliation de la vente était dépourvue de toute chance de succès compte tenu de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, alors que les dispositions de cet article méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution ;
- elle a commis une erreur de droit au regard des articles L. 2411-8 et l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales et dénaturé les faits de l'espèce en estimant que l'action était dépourvue de chance de succès, alors que la revente du bien par la communauté de communes ne pouvait être prise en considération et que l'installation d'un centre de traitement de déchets ne pouvait être qualifiée d'opération d'intérêt public ;

10. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....
Article 2 : Le pourvoi de M. B...n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.