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Ariane Web: Conseil d'État 390456, lecture du 27 octobre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:390456.20151027

Décision n° 390456
27 octobre 2015
Conseil d'État

N° 390456
ECLI:FR:CESSR:2015:390456.20151027
Inédit au recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
M. Romain Victor, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public


Lecture du mardi 27 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai et 21 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Mouvement Franche-Comté, la Fédération démocratique alsacienne et le Collectif citoyen les Alsaciens réunis demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande tendant, en premier lieu, à ce qu'il saisisse le Conseil constitutionnel, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article 37 de la Constitution, en vue qu'il soit dit que les dispositions de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relatives à la nouvelle délimitation des régions ont un caractère réglementaire, en deuxième lieu, à ce qu'il abroge ces mêmes dispositions et, enfin, à ce qu'il convoque les électeurs aux élections régionales de décembre 2015 sur la base des régions actuelles ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de faire droit à leur demande.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la Charte européenne de l'autonomie locale ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 ;
- la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 ;
- le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 ;
- le décret n° 70-18 du 9 janvier 1970 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct " ; que l'intervention du Parti lorrain et de MM. D...et A...n'a pas été présentée par mémoire distinct ; que, par suite, elle est irrecevable ;

2. Considérant que, dans sa rédaction en vigueur, l'article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Les régions sont des collectivités territoriales. / Elles sont créées dans les limites territoriales précédemment reconnues aux établissements publics régionaux " ; que les établissements publics régionaux mentionnés par ces dispositions ont été institués par la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions dans chacune des vingt-deux circonscriptions d'action régionale mentionnées à l'annexe I au décret du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives, telle que modifiée par le décret du 9 janvier 1970 ;

3. Considérant que l'article 1er de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral a modifié l'article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales afin d'instituer à compter du 1er janvier 2016 douze régions métropolitaines, en procédant au regroupement de plusieurs régions ; qu'ont notamment été regroupées, pour former de nouvelles régions, les régions Franche-Comté et Bourgogne ainsi que les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ; que l'article 7 de la même loi a prévu que les dispositions de son article 1er s'appliqueraient à compter du renouvellement général des conseils régionaux suivant la promulgation de la loi et que ces élections auraient lieu dans le cadre des nouvelles régions ; qu'enfin, le premier renouvellement général des conseils régionaux suivant la promulgation de la loi a été fixé au mois de décembre 2015 par les dispositions du 1° du II de son article 10 ;

4. Considérant que les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande du 12 mars 2015 tendant, en premier lieu, à ce qu'il saisisse le Conseil constitutionnel, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article 37 de la Constitution, afin qu'il soit dit que les dispositions de la loi du 16 janvier 2015, en ce qu'elles concernent la nouvelle délimitation des régions, ont un caractère réglementaire, en deuxième lieu, à ce qu'il abroge ces mêmes dispositions et, enfin, à ce qu'il convoque les électeurs aux élections régionales de décembre 2015 sur la base des régions actuelles ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la Constitution : " Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent " ; qu'aux termes de son article 34 : " La loi détermine les principes fondamentaux : / (...) -de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources " ; qu'aux termes de son article 72 : " Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. / Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus (...) " ;

6. Considérant que les dispositions de la loi du 16 janvier 2015 créent de nouvelles régions par regroupement de régions existantes et suppriment par là-même des régions ; qu'elles emportent transfert aux nouvelles régions de l'ensemble des droits et obligations des régions supprimées ; qu'elles mettent ainsi en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales ; que, par suite, ces dispositions relèvent du domaine de la loi en application de l'article 34 de la Constitution ; que, dès lors, le Mouvement Franche-Comté et autres ne sont pas fondés à soutenir que ces dispositions auraient un caractère réglementaire et que le refus du Premier ministre de faire droit à leur demande tendant à la mise en oeuvre de la procédure prévue au second alinéa de l'article 37 de la Constitution serait entaché d'illégalité ; qu'il s'en suit, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur ni d'examiner le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article 1er de la loi du 16 janvier 2015 précitée avec les stipulations de la Charte européenne de l'autonomie locale, que la requête du Mouvement Franche-Comté et autres doit être rejetée ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Parti lorrain et de MM. D...et A...n'est pas admise.
Article 2 : La requête du Mouvement Franche-Comté et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Mouvement Franche-Comté, à la Fédération démocratique alsacienne, au Collectif citoyen " les Alsaciens réunis ", au Parti lorrain, à M. B... D..., à M. C...A..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.