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Ariane Web: Conseil d'État 386319, lecture du 2 novembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:386319.20151102

Décision n° 386319
2 novembre 2015
Conseil d'État

N° 386319
ECLI:FR:CESSR:2015:386319.20151102
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Timothée Paris, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du lundi 2 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 août et 20 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 à l'appui de leur requête tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 6 octobre 2014 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité portant déclaration d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, des travaux de construction d'une ligne électrique aérienne à 250 000 volts, entre les postes de l'Argentière-La-Bessée et de Serre-Ponçon dans le département des Hautes-Alpes, imposant au maître d'ouvrage la mise en oeuvre de mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts de ces travaux et, enfin, emportant mise en compatibilité d'un certain nombre de documents d'urbanisme, l'association Avenir Haute- Durance, les communes de Puy-Saint-Eusèbe, de Réallon, de Châteauroux-les-Alpes, de Puy-Sanières et de la Bâtie-Neuve, les associations société alpine de protection de la nature, France Nature Environnement-Provence-Alpes-Côte d'Azur, Hautes-Alpes Nature Environnement, " Les Hauts de Granes " et Curl'air Parapente, l'école de parapente Jennif'Air, Mme N...-E...C..., M. J...C..., M. A...B..., Mme K...B..., M. H...G..., Mme D...I..., et M. L... F...demandent au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 323-3 à L. 323-11 du code de l'énergie.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 323-3 à L. 323-11 ;
- le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Réseau de transport d'électricité (RTE) ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les requérants contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'ensemble des dispositions des articles L. 323-3 à L. 323-11 du code de l'énergie à l'appui de leur requête tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté interministériel du 6 octobre 2014 déclarant d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de construction d'une ligne électrique aérienne à 250 000 volts, entre les postes de l'Argentière-La Bessée et de Serre-Ponçon dans le département des Hautes-Alpes ;

3. Considérant que l'arrêté litigieux a été pris sur le fondement de l'article L. 323-3 du code de l'énergie ; que les articles L. 323-4 à L. 323-9 du même code, qui constituent avec l'article L. 323-3 la section 2, relative à la traversée des propriétés privées par les ouvrages de transport et de distribution, du chapitre III du titre II du livre III de ce code, et qui précisent les effets sur le droit de propriété d'une telle déclaration et le régime d'indemnisation correspondant, puis renvoient au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions et modalités d'application de cette section, doivent être regardés comme étant également applicables au litige, au sens et pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution ; que leurs dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, notamment, de ce qu'elles pourraient avoir auraient pour effet de priver de sa substance le droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l'encontre de ces articles ;

4. Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 323-10 du même code, qui définissent la procédure et le régime des servitudes dites " de proximité " dans le périmètre des ouvrages supportant des lignes aériennes d'une tension supérieure à 130 000 volts, et celles de l'article L. 323-11, qui sont relatives, d'une part, à l'exécution des travaux après l'approbation par une autorité de l'Etat du tracé de détail de la ligne et, d'autre part, au contrôle de la construction et de l'exploitation des ouvrages ne sont, eu égard à l'objet de l'arrêté dont la légalité est contestée, pas applicables au litige ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Avenir Haute-Durance et autres à l'encontre des dispositions des articles L. 323-10 et L. 323-11 du code de l'énergie.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles L. 323-3 à L. 323-9 du code de l'énergie est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Avenir Haute-Durance et autres jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait statué sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Avenir Haute-Durance, aux communes de Puy-Saint-Eusèbe, de Réallon, de Châteauroux-les-Alpes, de Puy-Sanières et de la Bâtie-Neuve, aux associations société alpine de protection de la nature, France Nature Environnement-Provence-Alpes-Côte d'Azur, Hautes-Alpes Nature Environnement, " Les Hauts de Granes " et Curl'air Parapente, à l'école de parapente Jennif'Air, à Mme E...C..., M. J... C..., M. A...B..., Mme K...B..., M. H...G..., Mme D...I..., et M. A...-M...F..., à la société RTE et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.