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Ariane Web: Conseil d'État 374884, lecture du 9 novembre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:374884.20151109

Décision n° 374884
9 novembre 2015
Conseil d'État

N° 374884
ECLI:FR:CESJS:2015:374884.20151109
Inédit au recueil Lebon
9ème SSJS
M. Julien Anfruns, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET, avocats


Lecture du lundi 9 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société DRT a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des majorations et pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt, ainsi que les majorations et pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2005. Par un jugement n°0903908 du 1er juillet 2011, le tribunal administratif de Montreuil, auquel la demande a été transférée, a substitué les pénalités de mauvaise foi aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées par l'administration aux rectifications portant sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de la période correspondant à l'année 2004, a déchargé la société de la différence et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 11VE03275 du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société DRT contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 janvier 2014, 23 avril 2014 et 19 janvier 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société DRT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société DRT ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société DRT, qui exerce une activité de collecte de déchets, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 à la suite de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, ont été mis à sa charge. Par un jugement du 1er juillet 2011, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par la société d'une demande de décharge de ces impositions et pénalités, a substitué les pénalités pour mauvaise foi aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées par l'administration aux rectifications portant sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de la période correspondant à l'année 2004, a déchargé la société de la différence et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par l'arrêt attaqué du 21 novembre 2013, contre lequel la société DRT se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Aux termes de cette charte, dans sa version de l'année 2006 remise à la société DRT avant l'engagement de la vérification de comptabilité : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur... ".

3. Ces dispositions assurent aux contribuables la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l'administration ne peut, sans entacher la procédure d'irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d'avoir satisfait à cette demande. Par suite, en jugeant qu'aucune disposition ne prévoyait la possibilité d'un recours hiérarchique suspensif, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que la société DRT est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société DRT de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 21 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société DRT la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société DRT et au ministre des finances et des comptes publics.