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Ariane Web: Conseil d'État 380982, lecture du 9 novembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:380982.20151109

Décision n° 380982
9 novembre 2015
Conseil d'État

N° 380982
ECLI:FR:CESSR:2015:380982.20151109
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du lundi 9 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 juin 2010 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes refusant de l'autoriser à acquérir un autre système d'exploitation pour son ordinateur. Par un jugement n° 10-5255 du 11 mai 2012, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande présentée par M.B....

Par un arrêt n° 12NT03157 du 27 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 4 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à acquérir un autre système d'exploitation pour son ordinateur ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, son avocat, de la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., incarcéré au centre pénitentiaire de Caen, a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du 11 juin 2010 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu'il soit autorisé à acquérir un autre système d'exploitation pour son ordinateur ; que M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 mars 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du 11 mai 2012, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande comme dirigée contre une mesure insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les détenus peuvent acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / Une instruction générale détermine les caractéristiques auxquelles doivent répondre ces équipements, ainsi que les conditions de leur utilisation. En aucun cas, les détenus ne sont autorisés à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles ou d'enseignement ou de formation ou professionnelles, sur un support informatique. / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à un détenu peut, au surplus, être retenu, pour ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : / 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; / 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire du détenu " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des détenus, les décisions de l'administration pénitentiaire refusant aux détenus la possibilité d'acquérir un système d'exploitation pour leur ordinateur, dès lors qu'elles ne privent pas la personne détenue de la possibilité effective d'utiliser cet équipement dans les limites définies par les dispositions précitées, ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour administrative d'appel de Nantes n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'inexacte qualification juridique des faits en jugeant que le refus opposé, par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes, à sa demande d'acquisition d'un autre système d'exploitation que celui qu'il utilisait pour son ordinateur constituait une mesure en principe insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;

4. Considérant, en second lieu, que doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention ; qu'en jugeant, après avoir souverainement constaté que, d'une part, la mesure litigieuse n'aggravait pas les conditions de détention du requérant dans la mesure où ce dernier ne disposait pas, jusqu'alors, du système d'exploitation dont il souhaitait faire l'acquisition et que, d'autre part, le système d'exploitation déjà installé sur l'ordinateur du requérant, tout en permettant un meilleur contrôle des données par l'administration pénitentiaire, lui offrait des possibilités d'utilisation équivalentes ou relativement proches, que le rejet de sa demande tendant à l'autoriser à acquérir un autre système d'exploitation ne mettait pas en cause ses libertés et droits fondamentaux, la cour administrative d'appel de Nantes n'a entaché son arrêt ni d'insuffisance de motivation ni de dénaturation des faits de l'espèce ; que, par suite, en jugeant que la décision attaquée n'était pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, la cour, qui n'avait dès lors pas à examiner les moyens articulés à l'encontre du refus attaqué, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


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