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Ariane Web: Conseil d'État 388891, lecture du 18 novembre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:388891.20151118

Décision n° 388891
18 novembre 2015
Conseil d'État

N° 388891
ECLI:FR:CESJS:2015:388891.20151118
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
M. Stéphane Decubber, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats


Lecture du mercredi 18 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1°) Sous le n° 388891, par une requête enregistrée le 23 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 février 2015 par lequel le Président de la République l'a radié des cadres de la magistrature à compter du 27 janvier 2015.


1°) Sous le n° 388908, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 24 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction d'admission à cesser ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

3°) Sous le n° 391280, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 24 juin et 27 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature a prononcé à son encontre la sanction d'admission à cesser ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. B...;



1. Considérant que les trois requêtes visées ci-dessus sont relatives à une même procédure disciplinaire et présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature en date du 21 janvier 2015 ;

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., la décision attaquée énonce avec une précision suffisante les motifs pour lesquels le Conseil supérieur de la magistrature a refusé de surseoir à statuer ;

3. Considérant qu'il appartient en principe au juge disciplinaire de statuer sur une plainte dont il est saisi sans attendre l'issue d'une procédure pénale en cours concernant les mêmes faits ; que, cependant, il peut décider de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal lorsque cela paraît utile à la qualité de l'instruction ou à la bonne administration de la justice ;

4. Considérant qu'il résulte de la décision contestée que M. B...a demandé au Conseil supérieur de la magistrature de surseoir à statuer sur l'instance disciplinaire en faisant valoir qu'il aurait été dans l'impossibilité de disposer de différentes pièces déterminantes pour sa défense, et qui se trouvaient au dossier de l'instruction pénale ; que le Conseil supérieur de la magistrature a toutefois estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée, en l'absence de dénaturation, devant le juge de cassation, qu'il disposait de pièces permettant d'établir suffisamment la réalité des faits reprochés à M. B...et que la bonne administration de la justice et l'intérêt du service justifiaient qu'il soit statué sans attendre sur les poursuites engagées contre l'intéressé en juillet 2013 ;

5. Considérant, que le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas dénaturé les faits et les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant, au terme d'une appréciation souveraine et par une décision suffisamment motivée, que les faits reprochés à M.B..., consistant à avoir fait état de sa qualité de magistrat afin de faire sortir Mme A...de l'établissement où elle se trouvait, d'avoir, dans ce but, dénoncé l'attitude des responsables de cet établissement auprès notamment des services de police, des magistrats du parquet, de l'ordre des médecins, d'une association de défense des personnes âgées, de son médecin traitant et d'un journaliste, d'avoir introduit une action en justice au nom de Mme A...sans son accord, d'avoir demandé la délivrance de bulletins n° 1 de casiers judiciaires de personnes étrangères aux affaires dont il avait la charge, et ne pas avoir prévenu sa hiérarchie de ses absences inopinées et répétées, devaient être regardés comme établis ; que le Conseil n'a pas inexactement qualifié de tels faits estimant qu'ils étaient constitutifs d'un manquement, par M. B...à ses obligations statutaires et à ses devoirs de loyauté, de dignité et de délicatesse et qu'ils revêtaient le caractère d'un manquement à l'honneur professionnel ;

6. Considérant, en dernier lieu, que, compte tenu de la gravité des faits reprochés à l'intéressé, le Conseil supérieur de la magistrature a pu légalement infliger à M. B...la sanction d'admission à cesser ses fonctions ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature lui a infligé la sanction d'admission à cesser ses fonctions ;

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 19 février 2015 du Président de la République radiant M. B...des cadres de la magistrature :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 73 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " La cessation définitive des fonctions entraînant radiation des cadres et, sous réserve des dispositions de l'article 77 ci-après, perte de la qualité de magistrat, résulte : (...) 2° (...) de l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas droit à pension " ; que le Président de la République est tenu de tirer les conséquences sur le plan statutaire de la décision par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature prononce une sanction disciplinaire et, en particulier, lorsque la sanction consiste en une admission à cesser ses fonctions, de procéder, par décret, à la radiation des cadres de l'intéressé ; que les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature ayant prononcé la sanction d'admission à cesser ses fonctions à l'encontre de M. B...ayant été rejetées par la présente décision, le moyen tiré de ce que le décret le radiant des cadres devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision du Conseil supérieur de la magistrature ne peut être qu'écarté ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. Considérant que dès lors que le pourvoi formé par M. B...contre la décision du 21 janvier 2015 du Conseil supérieur de la magistrature est rejeté par la présente décision, les conclusions à fin de sursis de M. B...sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi n° 388908 et la requête n° 388891 de M. B...sont rejetés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 391280 de M.B....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.