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Ariane Web: Conseil d'État 360238, lecture du 23 novembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:360238.20151123

Décision n° 360238
23 novembre 2015
Conseil d'État

N° 360238
ECLI:FR:CESSR:2015:360238.20151123
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
M. Bastien Lignereux, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du lundi 23 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Pax-Progrès-Pallas a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la taxe locale d'équipement, de la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles mises à sa charge à raison du permis de construire qui lui a été transféré le 3 février 2003 ou, à titre subsidiaire, leur réduction à raison du calcul du montant de ces taxes par référence à la 4ème catégorie prévue par l'article 1585 D du code général des impôts au lieu de la 9ème catégorie prévue par le même article.

Par un jugement n° 0400343/7 du 1er mars 2007, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une décision n° 316269 du 28 juillet 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Paris.

Par un second jugement n° 0400343 du 9 février 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Pax-Progrès-Pallas.

Par une ordonnance n° 12PA01641 du 6 juin 2012, enregistrée le 15 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par la société Pax-Progrès-Pallas, enregistré au greffe de la cour le 11 avril 2012.

Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 septembre 2012, la société Pax-Progrès-Pallas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce second jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Pax-Progrès-Pallas ;


1. Considérant que, par une décision du 28 juillet 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé le jugement du 1er mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris avait statué sur la demande de décharge de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale des espaces naturels sensibles et de la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement présentée par la société Pax-Progrès-Pallas ; que par l'effet de cette décision, ce tribunal s'est ainsi trouvé de nouveau saisi de plein droit de cette demande ; qu'il devait toutefois, avant de statuer sur cette dernière, eu égard au fait nouveau que constituait la cassation de son premier jugement et en l'absence de mémoires présentés par l'ensemble des parties à la suite de cette cassation, faire connaître à ces parties qu'en raison de ce fait nouveau il leur était loisible de produire, si elles le jugeaient utile et dans le délai fixé par le tribunal, les observations qu'il leur paraîtrait opportun de lui adresser ;

2. Considérant qu'il est constant que, lorsqu'a été rendu le jugement attaqué, les parties n'avaient pas été mises à même par le tribunal administratif de Paris de produire, le cas échéant, leurs observations à la suite de la cassation du précédent jugement ; qu'ainsi, le jugement du 9 février 2012 doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il incombe, par suite, au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

4. Considérant que la société Pax-Progrès-Pallas a obtenu, par arrêté du maire de Bois-Colombes en date du 3 février 2003, le transfert d'un permis de construire pour la transformation d'un bâtiment, afin que celui-ci accueille un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; que la direction départementale de l'équipement des Hauts-de-Seine lui a adressé le 10 juillet 2003 un avis d'imposition à la taxe locale d'équipement, à la taxe départementale des espaces naturels sensibles et à la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, établi sur la base d'un rattachement de la construction à la 9ème catégorie prévue au I de l'article 1585 D du code général des impôts ; que la société requérante demande, à titre principal, la décharge des impositions en cause et, à titre subsidiaire, la reclassification de la construction en litige dans la 4ème catégorie du I de l'article 1585 D du code général des impôts et la réduction à due concurrence de ces impositions ;

Sur le redevable des taxes en litige et la procédure suivie pour leur établissement :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1723 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. La taxe locale d'équipement visée à l'article 1585 A est due par le bénéficiaire de l'autorisation de construire. (...) En cas de modification apportée au permis de construire ou à l'autorisation tacite de construire, le complément de taxe éventuellement exigible doit être acquitté dans le délai d'un an à compter de la modification " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 406 ter de l'annexe III à ce code : " (...) Lorsque l'autorité administrative autorise le transfert d'un permis de construire qui a rendu exigible la taxe locale d'équipement, elle doit en informer sans délai le préfet pour émission d'un nouveau titre " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration autorise le transfert d'un permis de construire à une personne autre que le titulaire initial, celle-ci devient le bénéficiaire, au nom duquel les titres de perception doivent être émis, de l'autorisation de construire prévue par ces dispositions ; que la société requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être regardée comme redevable des taxes litigieuses au motif qu'elle n'avait pas été le bénéficiaire initial du permis de construire délivré le 11 octobre 2002, qui lui avait été transféré le 3 février 2003 ;

6. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le permis de construire délivré le 11 octobre 2002 mentionnait l'ensemble des taxes litigieuses ; qu'en outre, l'arrêté du maire de Bois-Colombes en date du 3 février 2003 lui transférant ce permis précisait expressément que les taxes afférentes à ce permis seraient à la charge des bénéficiaires du transfert ; qu'ainsi, la société Pax-Progrès-Pallas, qui était assujettie aux taxes en cause en raison de ce permis et de cet arrêté de transfert, ne peut utilement ni se prévaloir de ce que l'avis d'imposition adressé le 11 décembre 2002 au bénéficiaire initial du permis ou " l'état de situation " qui lui a été transmis le 17 avril 2003 auraient été incomplets, ni soutenir que l'administration, en lui adressant l'avis d'imposition du 10 juillet 2003, aurait procédé au retrait illégal d'une précédente décision plus favorable ;

Sur la taxe locale d'équipement :

7. Considérant qu'aux termes du II de l'article 1585 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Le conseil municipal peut renoncer à percevoir, en tout ou partie, la taxe locale d'équipement sur les locaux à usage d'habitation édifiés pour leur compte ou à titre de prestataire de services par les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et par les sociétés d'économie mixte définies par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 modifiée, par le titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales et par les articles L. 2253-2 et L. 2542-28 du code précité ou celles à capitaux publics majoritaires réalisant des locaux à usage d'habitation principale financés à titre prépondérant au moyen de prêts ouvrant droit au bénéfice des dispositions prévues au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation. (...) " ;

8. Considérant qu'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), comportant des espaces occupés à titre individuel par ces personnes âgées, est susceptible, au titre de ces espaces, qui doivent être regardés comme à usage d'habitation pour l'application des dispositions précitées, sans qu'il soit besoin qu'ils comportent tous les éléments nécessaires à une occupation privative que l'on peut rencontrer dans une habitation ordinaire, tels qu'une cuisine, de bénéficier de l'exonération prévue par ces dispositions, dès lors que les autres conditions en sont réunies ; que l'établissement peut, en outre, bénéficier de cette exonération au titre des locaux annexes à ces espaces si ces locaux annexes sont nécessaires, eu égard à la situation des personnes âgées hébergées, à l'occupation de leur habitation ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EHPAD situé 3, 5 rue Carnot à Bois Colombes dispose de 1 626,60 m² de surface destinés aux chambres occupées par les personnes âgées dépendantes hébergées par l'établissement, auxquelles se rattachent 64,40 m² de balcons ; que, comme il est dit au point 8, ces surfaces doivent être regardées comme exonérées de taxe locale d'équipement, dès lors que le conseil municipal a renoncé à percevoir cette taxe en application du II de l'article 1585 C du code général des impôts et qu'il n'est pas contesté que la société requérante est au nombre de celles qui sont visées par cet article ; que les autres surfaces destinées aux personnes âgées sont constituées de salons, de salles à manger, de sanitaires, d'espaces dédiés à l'entretien de leur linge et à la préparation de leurs repas, d'un espace de kinésithérapie, d'un cabinet médical, d'une infirmerie et d'un salon de coiffure ; que ces locaux annexes, de même que les espaces dévolus aux circulations au sein du bâtiment et au personnel de l'EHPAD, sont nécessaires, eu égard à la situation de dépendance des personnes résidentes, à l'occupation de leur chambre ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande sur ce point, que la société Pax-Progrès-Pallas est fondée à demander la décharge de la taxe locale d'équipement à laquelle elle a été assujettie ;

10. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à la réduction du montant de la taxe locale d'équipement en calculant ce montant par référence à la 4ème catégorie de l'article 1585 D-1 du code général des impôts ;

Sur la taxe départementale des espaces naturels sensibles et la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement :

11. Considérant, d'une part, que si l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, ouvre aux départements la faculté d'exonérer de taxe départementale des espaces naturels sensibles les locaux à usage d'habitation édifiés par les organismes mentionnés au point 8, la société Pax-Progrès-Pallas ne se prévaut pas de ce qu'une telle exonération aurait été décidée par le département des Hauts-de-Seine ; que, d'autre part, l'article 1599 B du code général des impôts, alors en vigueur, ne prévoit pas une telle faculté d'exonération pour la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ; qu'ainsi, la demande de décharge de ces deux taxes ne peut qu'être rejetée ;

12. Considérant, toutefois, que la société requérante présente, à titre subsidiaire, des conclusions tendant à la réduction des montants mis à sa charge à ce titre ; qu'elle demande, à cet effet, le calcul de ces montants par référence à la 4ème catégorie prévue par l'article 1585 D du code général des impôts, au lieu de la 9ème catégorie prévue par le même article, en soutenant que les locaux en litige sont des " locaux d'habitation à usage locatif et leurs annexes mentionnés au 3° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation qui bénéficient de la décision favorable d'agrément prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code à compter du 1er octobre 1996 ", selon les termes du 4° de cet article ; qu'il résulte de l'instruction que la construction de l'EHPAD a fait l'objet d'une décision de subvention, prise sur le fondement des articles R. 331-3 et suivants du code de la construction et de l'habitation, valant agrément au sens de ces dispositions ; que, comme il a été dit au point 9, les locaux de cet EHPAD doivent être regardés comme des locaux d'habitation ; que, par suite, la société Pax-Progrès-Pallas est fondée à demander qu'il soit fait application du tarif prévu pour la 4ème catégorie de l'article 1585 D du code général des impôts et non de celui prévu pour la 9ème catégorie de cet article ; qu'il y a lieu faire droit à ses conclusions tendant à la réduction, à due concurrence, des montants mis à sa charge au titre de la taxe départementale des espaces naturels sensibles et de la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 3 500 euros à verser à la société Pax-Progrès-Pallas au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 février 2012 est annulé.
Article 2 : La société Pax-Progrès-Pallas est déchargée de la taxe locale d'équipement, mentionnée dans l'avis d'imposition du 10 juillet 2003, à laquelle elle a été assujettie.
Article 3 : Les montants mentionnés dans le même avis d'imposition mis à la charge de la société Pax-Progrès-Pallas au titre de la taxe départementale des espaces naturels sensibles et de la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement sont réduits à due concurrence de l'application du tarif prévu pour la 4ème catégorie de l'article 1585 D du code général des impôts au lieu de celui prévu pour la 9ème catégorie de cet article.
Article 4 : L'Etat versera à la société Pax-Progrès-Pallas la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande de la société Pax-Progrès-Pallas devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Pax-Progrès-Pallas et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.


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