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Ariane Web: Conseil d'État 393473, lecture du 7 décembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:393473.20151207

Décision n° 393473
7 décembre 2015
Conseil d'État

N° 393473
ECLI:FR:CESSR:2015:393473.20151207
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur


Lecture du lundi 7 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1°) Sous le n° 383373, par un jugement nos 1500011, 1500014, du 28 août 2015, enregistré le 15 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur les demandes de l'association " Ensemble pour la planète " (EPLP) tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites de rejet nées du silence gardé, d'une part, par le président de la province Sud et, d'autre part, par la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur ses demandes du 15 septembre 2014 tendant à l'édiction d'une réglementation en matière de lutte contre le bruit, de prévention des nuisances sonores et, plus spécifiquement, en matière de fixation des seuils de nuisances sonores, et à ce qu'il soit enjoint à ces autorités de prendre une telle réglementation, a transmis, en application des dispositions de l'article 205 de la loi organique du 19 mars 1999, le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir quelle est la personne publique compétente, en Nouvelle-Calédonie, pour l'adoption d'une réglementation en matière de lutte contre le bruit, de prévention des nuisances sonores et, plus spécifiquement, en matière de fixation des seuils de nuisances sonores ;



2°) Sous le n° 393497, par un jugement nos 1500012, 1500015, du 28 août 2015, enregistré le 15 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur les demandes de l'association des résidents de la baie des citrons tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites de rejet nées du silence gardé, d'une part, par le président de la province Sud et, d'autre part, par la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur ses demandes du 15 septembre 2014 tendant à l'édiction d'une réglementation en matière de lutte contre le bruit, de prévention des nuisances sonores et, plus spécifiquement, en matière de fixation des seuils de nuisances sonores, et à ce qu'il soit enjoint à ces autorités de prendre une telle réglementation, a transmis, en application des dispositions de l'article 205 de la loi organique du 19 mars 1999, le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la même question ;



Sous les deux numéros, des observations, enregistrées le 16 octobre 2015, ont été présentées par la ministre des outre-mer.

Sous les deux numéros, des observations, enregistrées le 19 octobre 2015, ont été présentées par la province Sud de Nouvelle-Calédonie.

Sous les deux numéros, des observations, enregistrées le 8 novembre 2015, ont été présentées par l'association " Ensemble pour la planète " et par l'association des résidents de la baie des citrons.


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT :


1. Aux termes de l'article 204 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " I. - Les actes (...) de l'assemblée de province, de son bureau et de son président mentionnés au II sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu'à leur transmission au haut-commissaire ou à son représentant dans la province, (...) par le président de l'assemblée de province. Les actes du gouvernement et de son président sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu'à leur transmission au haut-commissaire par le président du gouvernement, sous réserve des dispositions de l'article 129 (...). / II. - Sont soumis aux dispositions du I les actes suivants : / B. - Pour le gouvernement : / 1° Les arrêtés à caractère réglementaire ou individuel qu'il adopte ; (...) / D. - Pour les assemblées de province : / 1° Leurs délibérations ou les décisions prises par délégation de l'assemblée en application de l'article 168 ; / 2° Les décisions réglementaires et individuelles prises par leur président en application des articles 40, 173 et 174 ; / 3° Les actes à caractère réglementaire pris par les autorités provinciales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence (...) ". Aux termes de l'article 205 de la même loi : " Lorsque le tribunal administratif est saisi d'un recours pour excès de pouvoir ou d'un recours en appréciation de légalité dirigé contre les actes mentionnés aux (...) 1° du B, 1° à 3° du D du II de l'article 204 et que ce recours est fondé sur un moyen sérieux invoquant l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes ou que ce moyen est soulevé d'office, il transmet le dossier sans délai pour avis au Conseil d'Etat, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours. Le Conseil d'Etat examine la question soulevée dans un délai de trois mois et il est sursis à toute décision sur le fond jusqu'à son avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'avis au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou de l'expiration du délai imparti au Conseil d'Etat ".

2. En application de ces dispositions, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a sursis à toute décision au fond sur les demandes de l'association " Ensemble pour la planète " (EPLP) et de l'association des résidents de la baie des citrons tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites par lesquelles le président de la province Sud, d'une part, et la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, ont rejeté leurs demandes du 15 septembre 2014 tendant à ce que soit prise une réglementation en matière de lutte contre le bruit et de prévention des nuisances sonores, plus spécifiquement en matière de fixation des seuils de nuisance sonore, et transmis les dossiers au Conseil d'Etat en lui posant la question de savoir quelle est la personne publique compétente, en Nouvelle-Calédonie, pour l'adoption d'une réglementation en matière de lutte contre le bruit, de prévention des nuisances sonores et, plus spécifiquement, en matière de fixation des seuils de nuisances sonores.

3. La lutte contre le bruit et la prévention des nuisances sonores peuvent avoir notamment pour objectif le maintien de la tranquillité publique, la protection de la santé et la préservation de l'environnement. La détermination de l'autorité compétente pour édicter une réglementation dans ce domaine dépend donc de la nature de la finalité qui lui est assignée.

4. Aux termes de l'article 20 de la loi organique du 19 mars 1999 : " Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ". La préservation de l'environnement ne fait pas partie des compétences que l'article 21 de la même loi organique attribue à l'Etat. L'article 22 ne la mentionne pas au titre des compétences de la Nouvelle-Calédonie. Aucune disposition de la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ne confie cette compétence aux communes. Il s'ensuit que les provinces sont compétentes pour édicter une réglementation en matière de lutte contre le bruit et de prévention des nuisances sonores lorsqu'elle tend à la préservation de l'environnement.

5. Aux termes de l'article 22 de la même loi organique : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / (...) 4° (...) santé (...) ". Il résulte de ces dispositions que la Nouvelle-Calédonie est compétente pour édicter une réglementation en matière de lutte contre le bruit ou de prévention des nuisances sonores à des fins de protection de la santé publique.

6. Ces compétences doivent être exercées sans préjudice du pouvoir de police générale attribué au maire par l'article L. 131-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, qui le charge de la police municipale dont l'objet est " d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques " selon l'article L. 131-2 du même code, qui précise toutefois que " le haut-commissaire dans la commune de Nouméa et les commissaires délégués dans les communes de leur subdivision sont seuls chargés du maintien de l'ordre public " et qu'à ce titre, ils sont notamment chargés : " (...) /- de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous les actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; /- de maintenir le bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ".

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, à l'association " Ensemble pour la planète " (EPLP), au président de l'assemblée de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à la ministre des outre-mer.

Il sera publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.






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