Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 393668, lecture du 7 décembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:393668.20151207

Décision n° 393668
7 décembre 2015
Conseil d'État

N° 393668
ECLI:FR:CESSR:2015:393668.20151207
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Anne Iljic, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public


Lecture du lundi 7 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 15 juillet 2014 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS).

Par une ordonnance n° 1506770 du 7 septembre 2015, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 22 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale : " En vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle " ; qu'il ressort de l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012, prise pour la mise en oeuvre de ces dispositions, que l'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que, dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les article 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ;

2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pouvoir réglementaire est compétent pour édicter le régime applicable aux détenus particulièrement signalés, qui, ainsi qu'il a été dit, a pour seul effet de prescrire aux personnels et autorités pénitentiaires de faire preuve d'une vigilance particulière s'agissant de certains individus ; que les limites éventuellement portées aux droits des détenus par le régime ainsi défini ne peuvent cependant légalement intervenir que dans le respect des conditions définies par le législateur, notamment aux articles 22 et suivant de la loi du 24 novembre 2009 ; qu'ainsi, en retenant que le moyen tiré du défaut de base législative, résultant selon lui de la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 du Conseil constitutionnel, de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du 15 juillet 2014 par laquelle la garde des sceaux a maintenu l'inscription de M. A...au répertoire des détenus particulièrement signalés, alors qu'il résulte de ce qui précède que ces dispositions demeuraient légalement en vigueur après l'intervention de la loi du 24 novembre 2009 qui avait abrogé l'article 728 du code de procédure pénale, dont la requête soutenait qu'elles étaient le fondement légal de l'article D. 276-1 du même code, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la garde des sceaux est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 7 septembre 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Lille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A....


Voir aussi