Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 367310, lecture du 9 décembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:367310.20151209

Décision n° 367310
9 décembre 2015
Conseil d'État

N° 367310
ECLI:FR:CESSR:2015:367310.20151209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 9 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de prononcer la décharge des pénalités prévues à l'article 1763 A du code général des impôts pour le paiement solidaire desquelles il était poursuivi en sa qualité de gérant de l'EURL Le Millénium au titre des exercices clos en 2002 et 2003.

Par un jugement n° 0900223 du 9 juin 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11BX02863 du 31 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M.B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 31 décembre 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...;


1. Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts, applicable aux pénalités en litige et dont les dispositions figurent désormais à l'article 1759 et au 3 du V de l'article 1754 du même code : " Les sociétés (...) qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 p. 100 des sommes versées ou distribuées. (...) / Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter, ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de sa comptabilité pour la période du 1er novembre 2001 au 30 juin 2003, l'EURL Le Millenium, qui exploitait une discothèque à Saint-Gilles-Les-Bains (La Réunion), a reçu une proposition de rectification notifiée le 26 octobre 2004 par laquelle il lui était notamment demandé de désigner dans un délai de trente jours le bénéficiaire de distributions ; qu'à la suite de son refus de répondre, l'administration l'a informée que des pénalités pour distributions occultes de 100 % prévues par les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1763 A du code général des impôts, d'un montant total de 423 466 euros, seraient mises à sa charge ; qu'un avis de mise en recouvrement a été notifié par huissier le 26 janvier 2007 à M. B...déclaré, en sa qualité de gérant, solidairement responsable, en vertu du second alinéa du même article, du paiement de ces pénalités ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a confirmé le jugement du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis avait rejeté sa demande tendant à la décharge de ces pénalités ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants. / Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commise (...) " ; que l'article L. 189 du même livre précise que " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de reprise de l'administration pour les pénalités prévues par l'article 1763 A du code général des impôts court jusqu'à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai imparti à la société pour répondre à la demande de désignation adressée par l'administration sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts a expiré ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) " ; que l'article R. 256-2 du même livre, dans sa rédaction applicable à compter du 31 août 2006, précise que " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement " ; que l'article 1203 du code civil dispose que " Le créancier d'une obligation contractée solidairement peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de division " ;

5. Considérant que si l'administration peut s'adresser au dirigeant d'une société à laquelle a été infligée la pénalité prévue par les dispositions citées au point 1 en vue d'obtenir le paiement de la somme correspondante, dès lors qu'il en est solidairement responsable en vertu de ces mêmes dispositions, la garantie que constitue, pour le Trésor public, l'existence de débiteurs tenus solidairement au paiement d'une créance fiscale ne peut être mise en oeuvre, lorsqu'il existe un débiteur principal de l'impôt ou de la pénalité fiscale qui est le contribuable, que si cette créance a été régulièrement établie à son égard et, en particulier, s'il a été destinataire d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié dans le délai de reprise ; que, par suite, la personne qui est recherchée en paiement solidaire d'une imposition ou d'une pénalité mise à la charge d'un débiteur principal est fondée à soutenir que l'imposition ou la pénalité n'a pas été régulièrement établie si l'administration n'a pas, avant l'expiration du délai de reprise, régulièrement notifié au débiteur principal un avis de mise en recouvrement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour a commis une erreur de droit en jugeant qu'aucun texte n'imposait à l'administration de justifier que les pénalités en litige avaient fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié à l'EURL Le Millénium, auteur de l'infraction et débiteur principal, préalablement à leur mise en recouvrement auprès de M.B..., débiteur solidaire ; que M. B...est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;







D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 31 décembre 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.




Voir aussi