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Ariane Web: Conseil d'État 391019, lecture du 9 décembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:391019.20151209

Décision n° 391019
9 décembre 2015
Conseil d'État

N° 391019
ECLI:FR:CESSR:2015:391019.20151209
Inédit au recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats


Lecture du mercredi 9 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SAS La Réserve de Beaulieu et Spa a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de la commune de Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes) a délivré à la société SAS Hôtel Métropole un permis de construire pour des travaux de réaménagement et de rénovation d'un ensemble de bâtiments, d'aménagement des abords et de démolition de murs, planchers et toitures sur un terrain situé 15 bd du Maréchal Leclerc à Beaulieu-sur-Mer.

Par une ordonnance n° 1501557 du 29 mai 2015, le juge des référés a suspendu l'exécution de cet arrêté.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 30 juin et le 4 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SAS Hôtel Métropole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa ;

3°) de mettre à la charge de la SAS La réserve de Beaulieu et Spa la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SAS Hôtel Métropole, et à la SCP Jean-Philippe, Caston, avocat de la SAS La Réserve de Beaulieu et SPA ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2015, présentée par la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) " ;
2. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de Beaulieu-sur-Mer a accordé à la SAS Hôtel Métropole un permis de construire aux fins de réaménager et rénover un ensemble de bâtiments, avec réaménagement des abords, démolition de murs, planchers et toitures et création de surfaces de plancher d'une surface de 65 m² et de 383,90 m², sur le territoire de la commune de Beaulieu-sur-Mer ; que le juge des référés, pour faire droit à la demande de suspension dont il était saisi, a retenu que deux moyens, tirés respectivement du b) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, étaient de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire contesté ;

3. Considérant, en premier lieu, que, selon le b) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de construire comprend " le dossier d'évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000, prévu à l'article R. 414-23 du code de l'environnement, dans le cas où le projet doit faire l'objet d'une telle évaluation, en application de l'article L. 414-4 de ce code " ; qu'en vertu de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, les projets doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ; qu'il en résulte que le dossier d'évaluation des incidences d'un projet sur un site Natura 2000 ne doit être joint à la demande d'un permis de construire que lorsque ce projet est susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ;

4. Considérant que, pour retenir que le moyen tiré de la méconnaissance du b) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le juge des référés s'est fondé sur la circonstance que n'avait pas été joint à la demande de permis de construire un dossier d'évaluation des incidences du projet sur le site Natura 2000 situé face au littoral des communes de Saint-Jean Cap Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Villefranche-sur-Mer, Eze et de Cap d'Ail ; que, toutefois, le juge des référés a aussi relevé que ce site Natura 2000 était exclusivement marin, que les incidences du projet sur ce site avaient fait l'objet d'une évaluation jointe au dossier de déclaration qui avait été déposé par le pétitionnaire au titre de la législation sur l'eau et que cette évaluation concluait à l'absence d'incidence du projet sur le site ; qu'en l'état de ces constatations, le juge des référés, ne pouvait, sans erreur de droit, estimer que le projet de permis de construire était susceptible d'affecter de manière significative le site marin Natura 2000, pour en déduire que le moyen tiré du b) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; que la SAS Hôtel Métropole est, par suite, fondée à soutenir que le premier motif retenu par le juge des référés pour ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire est entaché d'erreur de droit ;

5. Considérant, d'autre part, que, selon l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, le classement d'espaces boisés par le plan local d'urbanisme interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, en particulier de la notice sur les aménagements paysagers jointe au dossier de demande de permis de construire et du procès-verbal de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, qui a émis un avis favorable à l'unanimité, que le projet de rénovation de l'hôtel prévoit la conservation et la réhabilitation des deux parties du jardin de l'hôtel ainsi que la suppression du stationnement des véhicules en surface par la création d'un parking souterrain ; que le projet augmente les surfaces végétales de plus de 25 % et réduit les surfaces minérales, hors bâtiments, de près de 30 % ; qu'il conserve les arbres " intéressants " du jardin et double les arbres " vieillissants " par des plantations nouvelles portant sur une centaine d'arbres supplémentaires ; que si le projet prévoit la création, devant certains bâtiments, de terrasses végétalisées en gazon dit " renforcé ", ces aménagements, qui visent à permettre des cheminements vers le jardin, contribuent à l'aménagement du jardin sans traduire de changement de mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation des boisements ; que, dans ces conditions, en estimant qu'était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumises ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Hôtel Métropole est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

8. Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de Beaulieu-sur-Mer a accordé à la SAS Hôtel Métropole le permis de construire qu'elle avait demandé, la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa soutient que le dossier de demande du permis de construire n'aurait pas été complet au regard des dispositions des articles R. 431-30 et R. 431-16 du code de l'urbanisme ; que l'accord donné par le ministre chargé des sites serait irrégulier ; que l'avis de l'architecte des bâtiments de France serait incomplet ; que le permis délivré méconnaîtrait les articles UC 12 et UM 12 du règlement du plan d'occupation des sols ; qu'il méconnaîtrait l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; qu'il méconnaîtrait le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; qu'il renverrait illégalement à une concertation ultérieure sur l'emplacement du poste de transformation électrique ;

9. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que, dès lors, les conclusions à fin de suspension présentées par la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité ou sur la condition d'urgence ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa la somme de 4 500 euros à verser à la SAS Hôtel Métropole au titre de la procédure engagée devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice et devant le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SAS Hôtel Métropole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2015 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : La SAS La Réserve de Beaulieu et Spa versera la somme de 4 500 euros à la SAS Hôtel Métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa présentées devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SAS Hôtel Métropole, à la SAS La Réserve de Beaulieu et Spa et à la commune de Beaulieu-sur-Mer.