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Ariane Web: Conseil d'État 377138, lecture du 15 décembre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:377138.20151215

Décision n° 377138
15 décembre 2015
Conseil d'État

N° 377138
ECLI:FR:CESSR:2015:377138.20151215
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
M. Marc Thoumelou, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du mardi 15 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 17 avril 2012 par laquelle le président du conseil général de l'Indre a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 2 décembre 2009 par laquelle la même autorité a suspendu le versement à son profit de l'allocation de revenu de solidarité active à compter du 1er décembre 2009.

Par un jugement n° 1200933 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14BX00908 du 31 mars 2014, enregistrée le 10 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 21 mars 2014 au greffe de cette cour, par M.A.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 12 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A..., et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du département de l'Indre ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., licencié pour inaptitude physique au travail, bénéficie de l'allocation de revenu minimum d'insertion depuis le 1er octobre 2000, remplacée depuis le 1er juin 2009 par l'allocation de revenu de solidarité active ; qu'après avoir invité M. A...à justifier de l'accomplissement de démarches d'insertion sociale et professionnelle, le président du conseil général de l'Indre a, par une décision du 2 décembre 2009, suspendu le versement de son allocation de revenu de solidarité active ; que M. A...a, par un courrier du 23 février 2012, saisi le président du conseil général de l'Indre d'un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision du 17 avril 2012 ; que, par un jugement du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette dernière décision ; que M. A...se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsque, d'une part, les ressources du foyer sont inférieures au niveau du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 et, d'autre part, qu'il est sans emploi ou ne tire de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à une limite fixée par décret, de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle " ; qu'aux termes de l'article L. 262-29 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le président du conseil général oriente le bénéficiaire du revenu de solidarité active tenu aux obligations définies à l'article L. 262-28 : / (...) 2° Lorsqu'il apparaît que des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l'absence de logement ou à son état de santé font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d'emploi, vers les autorités ou organismes compétents en matière d'insertion sociale (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion : " Lors du dépôt de sa demande, l'intéressé reçoit une information complète sur les droits et obligations de l'allocataire du revenu minimum d'insertion et doit souscrire l'engagement de participer aux activités ou actions d'insertion dont il sera convenu avec lui dans les conditions fixées à l'article L. 262-37 " ; qu'aux termes de l'article L. 262-23 du même code, dans sa rédaction applicable avant le 1er juin 2009 : " Si le contrat d'insertion mentionné à l'article L. 262-37 n'est pas respecté, il peut être procédé à sa révision à la demande du président du conseil général ou des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (...). / Si, sans motif légitime, le non-respect du contrat incombe au bénéficiaire de la prestation, le versement de l'allocation peut être suspendu (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 262-37 du même code, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er juin 2009 : " Dans les trois mois qui suivent la mise en paiement de l'allocation de revenu minimum d'insertion, l'allocataire et les personnes prises en compte pour la détermination du montant de cette allocation qui satisfont à une condition d'âge doivent conclure un contrat d'insertion avec le département, représenté par le président du conseil général. / (...) / Le contenu du contrat d'insertion est débattu entre la personne chargée de son élaboration et l'allocataire. Le contrat est librement conclu par les parties et repose sur des engagements réciproques de leur part (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-36 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 1er décembre 2008 : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active ayant fait l'objet de l'orientation mentionnée au 2° de l'article L. 262-29 conclut avec le département, représenté par le président du conseil général, sous un délai de deux mois après cette orientation, un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d'insertion sociale ou professionnelle " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 262-37 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 1er décembre 2008, que, sauf décision prise au regard de la situation particulière du bénéficiaire, le versement du revenu de solidarité active est suspendu, en tout ou partie, par le président du conseil général, lorsque, du fait du bénéficiaire et sans motif légitime, le contrat mentionné à l'article L. 262-36 n'est pas établi dans les délais prévus ou n'est pas renouvelé ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le président du conseil général est chargé d'orienter le bénéficiaire du revenu de solidarité active dans le cadre des démarches qui lui incombent en vertu de l'article L. 262-28 ; qu'un contrat doit être conclu avec celui-ci afin de déterminer les engagements réciproques du département et du bénéficiaire en matière d'insertion ; qu'il s'ensuit que, si le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsqu'il rencontre des difficultés tenant notamment à son état de santé faisant obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d'emploi, d'entreprendre des actions nécessaires à une meilleure insertion sociale, la nature des engagements pris à ce titre doit figurer dans ce contrat ; que le président du conseil général est en droit de suspendre le versement du revenu de solidarité active lorsque le bénéficiaire, sans motif légitime, soit fait obstacle à l'établissement ou au renouvellement de ce contrat par son refus de s'engager à entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale, soit ne respecte pas le contrat conclu ; qu'en revanche, il ne peut légalement justifier une décision de suspension par la circonstance que le bénéficiaire n'aurait pas accompli des démarches d'insertion qui ne correspondraient pas aux engagements souscrits dans un contrat en cours d'exécution ;

5. Considérant que le tribunal a jugé que le président du conseil général de l'Indre avait pu légalement suspendre le versement du revenu de solidarité active au profit de M. A... en raison de l'absence de toute démarche de sa part en vue de son insertion sociale, ainsi qu'en témoignait, notamment, son refus d'exercer une activité bénévole auprès d'associations caritatives ou de suivre une formation en informatique ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce refus manifestait la méconnaissance, par M.A..., des engagements pris dans le contrat d'insertion conclu avec le président du conseil général de l'Indre le 21 avril 2009 ou faisait obstacle, sans motif légitime, au renouvellement de ce contrat arrivé à son terme le 20 octobre 2009, le tribunal a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;

7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Indre une somme de 2 000 euros à verser à la SCP Lyon-Caen, Thiriez ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du département de l'Indre présentées à ce titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 22 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Limoges.
Article 3 : Le département de l'Indre versera à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions du département de l'Indre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au département de l'Indre.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


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