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Ariane Web: Conseil d'État 380634, lecture du 15 décembre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:380634.20151215

Décision n° 380634
15 décembre 2015
Conseil d'État

N° 380634
ECLI:FR:CESSR:2015:380634.20151215
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mardi 15 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a rejeté son recours gracieux tendant à la remise gracieuse d'une somme de 7 661,91 euros mise à sa charge au titre d'un indu de revenu de solidarité active pour la période d'août 2010 à septembre 2011.

Par un jugement n° 1304098 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du président du conseil général du 18 janvier 2013 et déchargé M. A... de la somme de 7 661,91 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 26 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du département de Seine-Saint-Denis ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...A...a été bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) dans le département de Seine-Saint-Denis à compter du mois d'août 2010 ; qu'à la suite d'un contrôle de la caisse d'allocations familiales, le département a mis fin à ses droits au RSA et lui a demandé le remboursement d'un indu d'un montant de 7 661,91 euros, correspondant aux prestations qui lui ont été versées pour la période d'août 2010 à septembre 2011 ; que, par un jugement du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 18 janvier 2013 par laquelle le président du conseil général avait rejeté le recours gracieux de M. A... et a entièrement déchargé celui-ci de la somme mise à sa charge ; que le département se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3 " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 711-3 du même code : " Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions " ;

3. Considérant que l'affaire relevait des contentieux énumérés par l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative et était ainsi susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public ; que le département fait valoir qu'il n'a pas été mis en mesure de connaître avant l'audience si une telle dispense était décidée ; que l'avis d'audience qui lui a été adressé se bornait à l'informer que l'état de l'instruction du dossier pouvait être consulté sur le site de l'application " Sagace ", sans comporter les informations relatives aux conclusions du rapporteur public prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ; que cette méconnaissance des dispositions mentionnées ci-dessus a privé le département, en l'espèce, d'une garantie, en ne le mettant pas en mesure de prendre connaissance de la dispense de conclusions du rapporteur public ; que le jugement attaqué a donc été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. (...) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général (...), en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration " ;

5. Considérant que le tribunal administratif a relevé qu'un rapport établi le 22 septembre 2011 par un agent assermenté de la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis comportait un certain nombre d'éléments de nature à remettre en cause la sincérité des déclarations de M. A...et de son épouse relatives notamment à leur résidence en France ; que ces éléments pouvaient être regardés comme un faisceau d'éléments précis et circonstanciés jetant un doute sérieux sur le caractère stable et effectif de cette résidence ; que, dès lors, en faisant supporter au département de Seine-Saint-Denis la charge d'établir que M. A... et son épouse ne résidaient pas en France, alors qu'il aurait pu, le cas échéant, faire usage de ses pouvoirs généraux d'instruction afin notamment d'exiger de l'intéressé la production de tout nouveau document susceptible d'accréditer la sincérité de ses déclarations ou l'authenticité des documents contestés, le tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le jugement du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de Seine-Saint-Denis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 25 mars 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département de Seine-Saint-Denis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée à M. B...A....


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