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Ariane Web: Conseil d'État 374194, lecture du 18 décembre 2015, ECLI:FR:CESEC:2015:374194.20151218

Décision n° 374194
18 décembre 2015
Conseil d'État

N° 374194
ECLI:FR:CESEC:2015:374194.20151218
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP BENABENT, JEHANNIN, avocats


Lecture du vendredi 18 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler pour excès de pouvoir le courrier du 14 janvier 2010 par lequel la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie l'a informée de son placement en congé de longue durée à demi-traitement du 27 mars 2011 au 26 mars 2014 ;
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 février 2010 par lequel la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie l'a placée en congé de longue maladie à plein traitement du 27 mars 2006 au 26 mars 2007 puis en congé de longue durée à plein traitement du 27 mars 2007 au 26 décembre 2009, en ce qu'il ne la place pas, sans limitation de durée, en congé de maladie à plein traitement ;
- d'enjoindre au directeur de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie de la placer en congé de maladie à plein traitement sans limitation de durée.

Par un jugement n° 1001052 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 23 décembre 2013, 24 mars 2014, 5 juin 2015 et 8 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 octobre 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A... et à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., aide-soignante titulaire employée par la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie, qui exerçait les fonctions d'auxiliaire de puériculture, a été placée en congé de longue maladie à compter du 27 mars 2006, puis en congé de longue durée à plein traitement à compter du 27 mars 2007 et en congé de longue durée à demi-traitement à compter du 27 mars 2009 ; que, par un avis du 9 décembre 2009, la commission de réforme du département de la Haute-Savoie a estimé que son affection était imputable au service ; que, par un courrier du 14 janvier 2010, la maison départementale a notamment indiqué à l'intéressée quels étaient ses droits à congé de longue maladie et à congé de longue durée ; que, par une décision du 2 février 2010, elle l'a placée en congé de longue maladie à plein traitement du 27 mars 2006 au 26 mars 2007 et en congé de longue durée à plein traitement du 27 mars 2007 au 26 décembre 2009 ; que, par un jugement du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation du courrier du 14 janvier 2010 en tant qu'il limitait sa rémunération à un demi-traitement, à compter du 27 mars 2011, et de la décision du 2 février 2010 en tant qu'elle ne prévoyait sa rémunération à plein traitement que jusqu'au 26 décembre 2009 ;

Sur le jugement, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...dirigées contre le courrier du 14 janvier 2010 :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le courrier de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie du 14 janvier 2010 reconnaît l'imputabilité au service de la maladie dont souffre MmeA... ; que, pour le surplus, il se borne à indiquer à l'intéressée les congés dont elle peut bénéficier et à lui annoncer le versement du complément de salaire auquel elle a droit depuis le 27 mars 2009, compte tenu de la durée du congé de longue durée à plein traitement auquel elle peut prétendre ; qu'ainsi, en jugeant que ce courrier, qui n'était attaqué qu'en tant qu'il aurait limité sa rémunération à un demi-traitement à compter du 27 mars 2011, présentait un caractère d'information pour la période considérée, le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur la portée de cet acte ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait inexactement qualifié les faits de l'espèce en le regardant comme un acte ne faisant pas grief doit, par suite, être écarté ;

Sur le jugement, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...dirigées contre la décision du 2 février 2010 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par sa décision du 2 février 2010, la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie a placé Mme A...en congé de longue maladie à plein traitement du 27 mars 2006 au 26 mars 2007, puis en congé de longue durée à plein traitement du 27 mars 2007 au 26 décembre 2009, pour tirer les conséquences de la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et permettre le versement du complément de rémunération dû ; qu'en mentionnant la date du 26 mars 2011 comme le terme de la période de cinq ans au cours de laquelle l'intéressée pouvait bénéficier d'un plein traitement et en en déduisant que l'intéressée n'était pas fondée à lui demander d'annuler la décision du 2 février 2010 et, par voie de conséquence, d'enjoindre à l'établissement de poursuivre le versement d'un plein traitement à compter du 27 mars 2011, le tribunal, contrairement à ce qui est soutenu, ne s'est pas mépris sur la portée de cette décision et n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs ;

4. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ; / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie, le congé ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, auquel renvoie l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 cité au point précédent : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) " ; que les causes exceptionnelles prévues à cet article doivent s'entendre des accidents de service, des maladies contractées ou aggravées en service, des actes de dévouement accomplis dans un intérêt public ou de l'exposition de ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes ; qu'il résulte en outre de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 que : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé " ; qu'en vertu des dispositions des articles 30 et 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, tels les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi du 9 janvier 1986, le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de l'une des causes mentionnées ci-dessus peut, à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont il bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes ; que s'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation ; que l'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite ;

7. Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l'initiative de l'administration ; qu'il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans ; qu'en l'absence de reprise du service ou de reclassement dans les conditions mentionnées ci-dessus, il peut, s'il est dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de la maladie, être mis d'office à la retraite par anticipation, à l'issue du délai de trois ans en cas de congé de longue maladie, ou de huit ans en cas de congé de longue durée ; qu'il conserve alors, en cas de congé de longue maladie, son plein traitement, ou en cas de congé de longue durée, son demi-traitement jusqu'à l'admission à la retraite ;

8. Considérant, par suite, qu'en jugeant, en l'espèce, que MmeA..., dont la maladie mentale a été reconnue imputable au service et qui a été placée en congé de longue maladie à plein traitement à compter du 27 mars 2006, pouvait légalement être placée en congé de longue durée et n'avait droit à une rémunération à plein traitement que jusqu'au 26 mars 2011, soit pendant une durée limitée à cinq ans, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la maison départementale de l'enfance et de la famille de la Haute-Savoie.
Copie en sera adressée à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.


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