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Ariane Web: Conseil d'État 375343, lecture du 23 décembre 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:375343.20151223

Décision n° 375343
23 décembre 2015
Conseil d'État

N° 375343
ECLI:FR:CESSR:2015:375343.20151223
Inédit au recueil Lebon
5ème / 4ème SSR
Mme Manon Perrière, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du mercredi 23 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 février et 22 décembre 2014 et le 3 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre du 11 décembre 2013 rejetant sa demande tendant à l'abrogation et à la modification des dispositions réglementaires relatives au développement professionnel continu (DPC) en tant que ces dispositions n'unifient pas la situation des biologistes médicaux mais distinguent, parmi ces derniers, les médecins des pharmaciens ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2015, présentée par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;


1. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 4133-1 du code de la santé publique : " Le développement professionnel continu a pour objectifs l'évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il constitue une obligation pour les médecins " ; qu'aux termes de l'article L. 4236-1 du même code : " Le développement professionnel continu a pour objectifs l'évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il constitue une obligation pour les pharmaciens tenus pour exercer leur art de s'inscrire au tableau de l'ordre ainsi que pour les pharmaciens mentionnés à l'article L. 4222-7 " ; que le législateur a prévu des dispositions équivalentes pour les autres professions de santé ;

2. Considérant que la biologie médicale est régie par les dispositions du livre II de la sixième partie du code de la santé publique ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 6213-1 du code de la santé publique un biologiste médical est un médecin ou un pharmacien titulaire d'un diplôme de spécialité ou d'une qualification en biologie médicale, ou qui a été autorisé à exercer la biologie médicale ;

3. Considérant que la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires a demandé au Premier ministre de modifier les dispositions réglementaires du code de la santé publique relatives au développement professionnel continu afin, d'une part, que les biologistes médicaux, qu'ils soient médecins ou pharmaciens, bénéficient des mêmes forfaits de prise en charge des actions de formation et, d'autre part, que les organismes proposant des actions de formation à l'intention des biologistes médicaux soient évalués par une même instance ; que la fédération demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née le 11 décembre 2013 par laquelle le Premier ministre a rejeté cette demande ;

4. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de changements dans la situation de droit ou les circonstances de fait postérieures à cette date ;

En ce qui concerne la détermination des forfaits de prise en charge du développement professionnel continu applicables aux biologistes médicaux :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4021-1 du code de la santé publique : " La gestion des sommes affectées au développement professionnel continu (...) est assurée, pour l'ensemble des professions de santé, par l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu. (...) / L'organisme gestionnaire du développement professionnel continu assure la gestion financière des actions de développement professionnel continu et est notamment chargé de déterminer les conditions d'indemnisation des professionnels de santé libéraux et des centres de santé conventionnés participant aux actions de développement professionnel continu. / L'organisme gestionnaire du développement professionnel continu peut comporter des sections spécifiques à chaque profession. / Les modalités d'application du présent article, notamment les règles de composition du conseil de gestion de l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu, les modalités de création de sections spécifiques et les règles d'affectation des ressources à ces sections, sont fixées par voie réglementaire " ;

6. Considérant que les modalités d'application de ces dispositions législatives ont été fixées par le décret du 30 décembre 2011 ; que l'article R. 4021-9 du code de la santé publique, issu de ce décret, prévoit que l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu prend en charge dans la limite d'un forfait les frais facturés aux professionnels de santé par les organismes de développement professionnel continu, les pertes de ressources des professionnels libéraux et les frais divers induits par la participation aux programmes ; que l'article R. 4021-10 du même code prévoit dans son I que : " Le comité paritaire du développement professionnel continu est organisé en sections paritaires représentant les professionnels de santé libéraux et les professionnels de santé exerçant en centres de santé conventionnés. Les sections peuvent coordonner leurs décisions " ; que cet article institue dans son II une section paritaire par profession de santé et, notamment, une section pour les médecins et une section pour les pharmaciens ; que l'article R. 4021-11 de ce code dispose que : " Chaque section paritaire détermine, pour les professionnels de la section concernée, les forfaits de prise en charge définis à l'article R. 4021-9, en tenant compte du coût des programmes de développement professionnel continu proposés par les organismes de développement professionnel continu. / Elle peut différencier les forfaits en fonction des méthodes ou des modalités de mise en oeuvre des programmes. Elle peut modifier en cours d'année le niveau des forfaits " ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 4021-1 du code de la santé publique selon lesquelles l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu " peut comporter des sections spécifiques à chaque profession " n'interdisent pas au pouvoir réglementaire d'organiser la fixation de forfaits de prise en charge applicables aux biologistes médicaux ne comportant pas de distinction entre ceux qui sont titulaires d'un diplôme de médecine et ceux qui sont titulaires d'un diplôme de pharmacie ; qu'en application des dispositions règlementaires du code de la santé publique, les biologistes médicaux titulaires d'un diplôme de médecine bénéficient du forfait de prise en charge du développement professionnel continu applicable aux médecins et ceux qui sont titulaires d'un diplôme de pharmacie du forfait applicable aux pharmaciens ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la différence de traitement qui en résulte soit justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet des dispositions relatives au développement professionnel continu ; que, par suite, les dispositions réglementaires prises pour l'application de l'article L. 4021-1 sont contraires au principe d'égalité ;

En ce qui concerne les commissions scientifiques chargées d'évaluer les organismes de développement professionnel continu :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4133-2 du code de la santé publique, applicable aux médecins : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités selon lesquelles :/ ... 2° L'organisme gestionnaire du développement professionnel continu, après évaluation par une commission scientifique indépendante, enregistre l'ensemble des organismes concourant à l'offre de développement professionnel continu et finance les programmes et actions prioritaires. / Un décret fixe les missions, la composition et les modalités de fonctionnement de la commission scientifique indépendante " ; que l'article L. 4236-1 du même code, applicable aux pharmaciens, contient des dispositions rédigées dans les mêmes termes ;

9. Considérant que les modalités d'application de ces dispositions législatives sont fixées, respectivement, par les articles D. 4133-16 à D. 4133-28 du code de la santé publique, relatifs à la commission indépendante des médecins, et par les articles D. 4236-16 à D. 4236-26 du même code, relatifs à la commission indépendante des pharmaciens ; que l'article D. 4021-24 qui organise l'évaluation des organismes de développement professionnel continu prévoit dans son troisième alinéa que : " Lorsque l'activité de l'organisme déclarant intéresse plus d'une profession de santé, le directeur de l'organisme gestionnaire organise les modalités de coordination des commissions scientifiques indépendantes et de la commission scientifique du Haut Conseil des professions paramédicales. Le résultat des évaluations est alors présenté par profession et selon des modalités définies par ces instances " ; que ces dispositions permettent au directeur de l'organisme gestionnaire de coordonner les commissions compétentes pour les médecins et les pharmaciens en vue d'évaluer les organismes proposant des actions de formation à l'intention des biologistes médicaux ; qu'en s'abstenant d'organiser une coordination plus poussée, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe d'égalité et n'a pas entaché les dispositions en cause d'une erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fédération requérante n'est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque qu'en tant qu'elle rejette sa demande tendant à ce que les dispositions réglementaires prises pour l'application de l'article L. 4021-1 du code de la santé publique soient modifiées afin d'organiser la fixation de forfaits de prise en charge du développement professionnel continu applicables aux biologistes médicaux ne comportant pas de distinction entre ceux qui sont titulaires d'un diplôme de médecine et ceux qui sont titulaires d'un diplôme de pharmacie ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : La décision du Premier ministre du 11 décembre 2013 est annulée en tant qu'elle refuser de modifier les dispositions réglementaires prises pour l'application de l'article L. 4021-1 afin d'organiser la fixation de forfaits de prise en charge du développement professionnel continu applicables aux biologistes médicaux ne comportant pas de distinction entre ceux qui sont titulaires d'un diplôme de médecine et ceux qui sont titulaires d'un diplôme de pharmacie.
Article 2 : L'Etat versera à la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.