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Ariane Web: Conseil d'État 370121, lecture du 20 janvier 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:370121.20160120

Décision n° 370121
20 janvier 2016
Conseil d'État

N° 370121
ECLI:FR:CESSR:2016:370121.20160120
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème SSR
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du mercredi 20 janvier 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SA BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0911727 du 1er juin 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02956 du 9 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA BNP Paribas contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 juillet 2013, 9 octobre 2013, 25 avril 2014 et 23 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA BNP Paribas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la SA BNP Paribas ;


1. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien (...) " ;

2. Considérant que le coût d'acquisition qui, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, constitue, pour les immobilisations acquises à titre onéreux, la valeur d'origine pour laquelle celles-ci doivent, pour l'application de la loi fiscale, être inscrites au bilan, s'entend du prix de revient total de ces immobilisations, éventuellement augmenté, dans le cas de titres de participations, par les compléments de prix versés après l'acquisition de ces titres en exécution d'engagements souscrits par l'acquéreur ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre de l'offre publique d'échange des titres de la société Paribas contre des titres de la société BNP intervenue le 29 mars 1999, la société BNP a émis des certificats de valeur garantie portant sur ses propres titres afin d'inciter les investisseurs à apporter leurs titres Paribas à cette offre ; qu'elle offrait aux actionnaires de la société Paribas, en échange de 20 actions de cette société, 29 actions de la société BNP ainsi que 13 certificats de valeur garantie leur donnant droit, pour chaque certificat détenu au 1er juillet 2012 et dans la limite de 20 euros par certificat, au versement d'une somme égale à la différence positive entre 100 euros et le cours de référence de l'action BNP ; qu'à la suite de l'absorption de la société Paribas par la société BNP le 23 mai 2000, la société BNP-Paribas a procédé au rachat, en vue de leur annulation, de ces certificats de valeur garantie pour les montants respectifs de 225 millions d'euros en 2001 et 65,3 millions d'euros en 2002 et les a comptabilisés en charges conformément à l'avis n° 98 B du 10 juillet 1998 du comité d'urgence du conseil national de la comptabilité ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a toutefois remis en cause la comptabilisation de ces sommes en charges ; que la société BNP se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 1er juin 2011 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant au titre des années 2001 et 2002 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les sommes exposées par une société à l'occasion du rachat pour annulation des certificats de valeur garantie qu'elle a émis à l'occasion d'une offre publique d'échange constituent, au sens de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, un élément du coût d'acquisition des titres reçus dans le cadre de cette offre ; que cependant, compte tenu de la volatilité des certificats de valeur garantie et, partant, de la difficulté de déterminer la valeur de ces certificats au moment de leur émission lors de l'offre publique d'échange, la société émettrice ne doit prendre en compte leur valeur qu'au moment du rachat de ces certificats, en procédant à un ajustement de la valeur d'entrée des titres reçus qu'elle avait alors comptabilisée à son bilan ;

5. Considérant toutefois que, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, les titres reçus lors de l'offre publique d'échange ne figurent plus au bilan au moment du rachat de ces certificats, notamment en raison d'une fusion, la société émettrice ne peut ajuster au bilan la valeur d'entrée des titres reçus à hauteur de la dépense ainsi engagée ; que les sommes versées à l'occasion du rachat pour annulation de ces certificats de valeur garantie doivent dans cette hypothèse être regardées comme une charge de l'exercice ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que ces dépenses ne pouvaient être déduites du résultat imposable des exercices clos en 2001 et 2002, alors que les titres de la société Paribas avaient disparu du bilan par voie de fusion avant leur paiement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société BNP est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 500 euros à la SA BNP Paribas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA BNP Paribas et au ministre des finances et des comptes publics.


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