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Ariane Web: Conseil d'État 384487, lecture du 20 janvier 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:384487.20160120

Décision n° 384487
20 janvier 2016
Conseil d'État

N° 384487
ECLI:FR:CESJS:2016:384487.20160120
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP BOULLOCHE, avocats


Lecture du mercredi 20 janvier 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Ranchère a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir le permis tacite d'aménager délivré le 7 septembre 2010 à la SARL Béoletto par le maire de Martignas-sur-Jalle pour la réalisation d'un lotissement situé sur le territoire de la commune, l'arrêté du 21 septembre 2010 par lequel le maire a confirmé la délivrance de ce permis d'aménager, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux dirigé contre ces décisions. Par un jugement n° 1100234 du 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13BX00235 du 10 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de la société Ranchère, annulé ce jugement et l'arrêté du 21 septembre 2010.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre et 15 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Béoletto demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Ranchère la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la Sarl Béoletto et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Ranchère ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager " ; qu'aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet " ; qu'aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 " ; qu'aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Béoletto a déposé, le 7 juin 2010, un dossier de demande de permis d'aménager un lotissement ; qu'il n'était pas soutenu ni même allégué devant la cour que ce dossier n'aurait pas été estimé complet par la commune de Martignas-sur-Jalle ; qu'à la date du 7 septembre 2010, la SARL Béoletto était donc titulaire d'un permis d'aménagement tacite ; que le maire de Martignas-sur-Jalle a délivré, pour le même projet, un permis d'aménager par un arrêté du 21 septembre 2010 ; que cet arrêté était purement confirmatif du permis tacite déjà obtenu par la société Béoletto et, par conséquent, ne lui faisait pas grief ; que, dès lors, les conclusions de la société Ranchère, que la cour n'était pas tenue de requalifier d'office comme dirigées contre le permis tacite du 7 septembre 2010, n'étaient pas recevables ; que ce moyen, qui ressortait des pièces du dossier qui était soumis aux juges du fond, était d'ordre public ; que, par suite, en annulant l'arrêté du 21 septembre 2010 alors qu'elle aurait dû relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Ranchère, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi principal, que la société Béoletto est fondée, pour ce motif, à demander son annulation ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident présenté par la société Ranchère ;

3. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Béoletto et la société Ranchère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Ranchère.
Article 3 : Les conclusions de la SARL Béoletto et de la société Ranchère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL Béoletto et à la société Ranchère.
Copie en sera adressée pour information à la commune de Martignas-sur-Jalle.