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Ariane Web: Conseil d'État 394839, lecture du 10 février 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:394839.20160210

Décision n° 394839
10 février 2016
Conseil d'État

N° 394839
ECLI:FR:CESSR:2016:394839.20160210
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème SSR
Mme Anne Iljic, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public


Lecture du mercredi 10 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le groupement foncier rural Namin et Co, à l'appui de sa demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 mars 2015 par laquelle le maire de la commune des Fourgs a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 5 mars 2004 instituant sur la parcelle cadastrée ZE 27 dont il est propriétaire dans cette commune la servitude prévue au I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, et, d'autre part à l'abrogation de cet arrêté, a produit un mémoire, enregistré le 10 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Besançon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1500738 du 20 novembre 2015, enregistrée le 23 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Besançon, avant qu'il soit statué sur la demande de groupement foncier rural Namin et Co, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du second alinéa du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu'ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l'autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l'objet d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux à l'institution d'une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l'absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l'obligation d'assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l'interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l'article L. 362-1 du code de l'environnement. " ;

3. Considérant que le groupement foncier rural Namin et Co soutient que les dispositions du second alinéa du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme méconnaissent la liberté d'aller et venir, le principe d'égalité devant les charges publiques, ainsi que, par l'incompétence négative dont elles seraient entachées, le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au motif qu'elles prévoient la possibilité pour l'autorité compétente d'instituer une " servitude administrative " sur certains bâtiments durant la période hivernale sans prévoir aucune information préalable ni aucune procédure contradictoire permettant d'écarter tout risque d'arbitraire dans la détermination des propriétés concernées et sans instituer aucune indemnisation des propriétaires ;

4. Considérant que le second alinéa du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme est applicable au litige dont est saisi le tribunal administratif de Besançon ; qu'il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment, par l'incompétence négative dont il serait entaché, le droit de propriété garanti en particulier par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du second alinéa du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au groupement foncier rural Namin et Co, à la commune des Fourgs, à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Besançon.


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