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Ariane Web: Conseil d'État 382970, lecture du 4 mars 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:382970.20160304

Décision n° 382970
4 mars 2016
Conseil d'État

N° 382970
ECLI:FR:CESJS:2016:382970.20160304
Inédit au recueil Lebon
1ère SSJS
M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats


Lecture du vendredi 4 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 août 2009 par lequel le maire de la commune du Beausset (Var) a rejeté sa demande de permis de construire confirmée le 27 juin 2009, ainsi que la décision du 20 novembre 2009 par laquelle il a rejeté son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au maire de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans un délai de deux mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1000073 du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12MA02272 du 27 mai 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, à la demande de MmeA..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 avril 2012, l'arrêté du maire du Beausset du 18 août 2009 rejetant sa demande de permis de construire et la décision du 20 novembre 2009 rejetant son recours gracieux et a enjoint au maire de réexaminer la demande de permis de construire de Mme A...dans un délai de deux mois.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 21 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Beausset demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mai 2014 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la commune du Beausset, et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de MmeA... ;





Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune du Beausset a opposé un refus, le 25 mars 2005, à la demande de permis de construire de MmeA..., portant sur la construction d'une maison d'habitation sur une parcelle dont elle est propriétaire, au motif que le projet était " situé dans une zone à risque de feu de forêt faisant apparaître un aléa très fort ". Par un jugement du 11 juin 2009, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision, comme entachée d'une erreur d'appréciation, après avoir relevé que le terrain était " entouré de parcelles construites et situé dans une partie urbanisée de la commune ", qu'un nouvel avis avait été rendu par le service départemental d'incendie et de secours, après les travaux réalisés sur le chemin d'accès à la propriété en cause, et qu'un permis de construire avait été délivré sur un terrain voisin au vu d'un avis du service départemental comportant la même motivation. Mme A...ayant, à la suite de cette annulation, confirmé sa demande en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le maire l'a de nouveau rejetée, le 18 août 2009, aux motifs que le projet se situait en zone ND du plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 15 février 1985, redevenu applicable, et dans un espace boisé classé. Par un jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le recours de Mme A...contre cette décision. Par un arrêt du 27 mai 2014, contre lequel la commune du Beausset se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et la décision de refus du 18 août 2009, après avoir jugé qu'aucun des deux motifs de la décision du 18 août 2009 ne pouvait légalement la fonder.

2. Aux termes du I de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. / Ces zones (...) sont : (...) 2. Les zones naturelles, équipées ou non, dans lesquelles les règles et coefficients mentionnés ci-dessus peuvent exprimer l'interdiction de construire. / Ces zones naturelles comprennent en tant que de besoin : (...) d) Les zones, dites "Zones ND", à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt (...) ". Sur ce fondement, il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction.

3. Si les motifs du jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2009 qui sont le soutien nécessaire de l'annulation du premier refus de permis de construire opposé, le 25 mars 2005, à Mme A...doivent être regardés comme revêtus de l'autorité de la chose jugée, la cour administrative d'appel de Marseille ne pouvait toutefois juger que l'autorité qui s'attachait aux constatations relatives à la situation du terrain, désormais entouré de parcelles construites et inclus dans une partie urbanisée de la commune, emportait nécessairement l'illégalité de son classement en zone ND au regard de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, sans rechercher si ce changement de la situation de fait au vu de laquelle le plan d'occupation des sols avait été élaboré avait eu pour effet, eu égard notamment au parti d'aménagement initialement retenu par ses auteurs et aux caractéristiques du terrain, d'entacher d'erreur manifeste d'appréciation le maintien du classement en cause. Par suite, ainsi que le soutient la commune du Beausset, c'est au prix d'une erreur de droit que la cour a jugé illégal le premier des deux motifs fondant le refus de permis de construire opposé à l'intéressée le 18 août 2009.

4. Il n'appartient pas au juge de cassation de rechercher si la cour administrative d'appel de Marseille aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur l'illégalité de la servitude d'espace boisé classé affectant le terrain, alors que, ainsi qu'il a été dit, la décision de refus de permis de construire repose sur deux motifs. Par suite, l'erreur de droit relevée au point précédent pour censurer le premier des deux motifs de la décision litigieuse suffit à entraîner l'annulation de l'arrêt en son entier et il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme que la commune du Beausset demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Beausset, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mai 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la commune du Beausset et de Mme A...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune du Beausset et Mme B...A....