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Ariane Web: Conseil d'État 390853, lecture du 23 mars 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:390853.20160323

Décision n° 390853
23 mars 2016
Conseil d'État

N° 390853
ECLI:FR:CESJS:2016:390853.20160323
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
DELAMARRE, avocats


Lecture du mercredi 23 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Le préfet d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 2 février et 23 mai 2012 par lesquels le maire de Saint-Malo a accordé un permis de construire et un permis de construire modificatif à la SNC Batimalo. Par un jugement n° 1203027 du 25 octobre 2013, le tribunal administratif a rejeté son déféré.

Par un arrêt n° 13NT03430 du 3 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité formé contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 9 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et, de la ruralité demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et, réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de la commune de Saint-Malo et de la SNC Batimalo ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond que par arrêtés des 2 févier et 23 mai 2012, le maire de Saint-Malo a délivré à la société Batimalo un permis de construire et un permis de construire modificatif pour l'édification d'un immeuble de quatre logements collectifs sur une parcelle située 3 rue Hyppolyte de la Morvonnais à Saint-Malo ; que par jugement du 25 octobre 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le déféré du préfet dirigé contre ces deux arrêtés et contre la décision du maire de Saint-Malo du 29 mai 2012 rejetant le recours gracieux formé contre ces arrêtés ; que le pourvoi du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est dirigé contre l'arrêt du 3 avril 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ; que, pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion ;

3. Considérant que l'arrêt attaqué relève que les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de la situation du projet et des risques connus de rupture ou de sumersion de la digue de protection qui borde, le long de la mer, la chaussée du Sillon ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, tel qu'il était soumis aux juges du fond, et des énonciations de la cour, que le niveau marin centennal au droit du projet litigieux, qui consiste en la création de logements destinés à une quinzaine de personnes, atteint 7,90 mètres, ce qui situe le projet dans la " zone d'aléa moyen " correspondant à la zone située entre 0 et 1 mètre en dessous du niveau moyen centennal ; que le projet litigieux se situe à quelques dizaines de mètres de la digue de protection, soit dans la zone dite de " dissipation d'énergie " à l'arrière des systèmes de protection connus, c'est-à-dire dans une zone exposée à des écoulements violents en cas de rupture de la digue ; que la digue de Saint-Malo dans le secteur du projet présente des faiblesses structurelles, et a été, dans la période récente, à plusieurs reprises, submergée ou endommagée lors de tempêtes ou de grandes marées particulièrement violentes ; qu'ainsi, en estimant, en dépit des éléments établissant que le projet de construction était exposé à un risque important d'inondation, que le maire de Saint-Malo n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son arrêt de dénaturation des pièces du dossier ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 avril 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint Malo et la SNC Batimalo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement, et de l'habitat durable, à la commune de Saint-Malo et à la SNC Batimolo.


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