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Ariane Web: Conseil d'État 392638, lecture du 23 mars 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:392638.20160323

Décision n° 392638
23 mars 2016
Conseil d'État

N° 392638
ECLI:FR:CESSR:2016:392638.20160323
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du mercredi 23 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 20 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 11 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel dirigé contre le jugement du 3 janvier 2014 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le maire de Colombs-en-Valois (Seine-et-Marne) a rejeté sa demande de raccordement définitif de sa propriété au réseau d'électricité et son recours gracieux, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 2, 6, 17 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...B...;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions en litige de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors ; qu'eu égard au motif d'intérêt général poursuivi par cette interdiction de raccordement aux réseaux, qui consiste à assurer le respect des règles d'utilisation des sols en faisant obstacle à ce que le raccordement de propriétés aux réseaux aboutisse à conforter des situations irrégulières, et alors même qu'elle s'applique à tous les bâtiments, locaux et installations irrégulièrement construits ou transformés, quels que soient la date de leur édification, leur destination ou leur usage et que le législateur n'a prévu aucune prescription, les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ne soulèvent aucune question sérieuse au regard du droit de propriété garanti par la Constitution ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que le législateur a méconnu sa propre compétence, tant au regard du droit de propriété que de l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue pour toute personne la possibilité de disposer d'un logement décent ; que, d'une part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte, par elle-même, un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue pour toute personne la possibilité de disposer d'un logement décent, n'est pas, à lui seul, au nombre, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, des droits et libertés garantis par la Constitution ; que, d'autre part, le législateur ayant entendu, ainsi qu'il a été dit au point 3, donner le champ d'application le plus large aux dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, il ne peut être sérieusement soutenu qu'il a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

5. Considérant, enfin, que M. B...soutient, que les dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme méconnaissent le principe d'égalité, garanti par l'article 6 de la Constitution, dès lors qu'elles privent du droit au raccordement aux réseaux les seules personnes qui se sont abstenues de solliciter une autorisation de construire ; que, toutefois, les propriétaires des bâtiments, locaux et installations irrégulièrement construits ou transformés se trouvent dans une situation différente de celle des propriétaires qui ont obtenu les autorisations ou agréments imposés par la loi et la réglementation à la date de la construction ou de la transformation de leur bien ; que dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ne soulèvent, en tant qu'elles réservent un traitement différent à ces deux catégories de propriétaires quant au droit au raccordement aux réseaux, aucune question sérieuse de constitutionnalité au regard du principe constitutionnel d'égalité devant la loi ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée qui n'est pas nouvelle et ne présente pas de caractère sérieux ;






D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.


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