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Ariane Web: Conseil d'État 398286, lecture du 7 avril 2016, ECLI:FR:CEORD:2016:398286.20160407

Décision n° 398286
7 avril 2016
Conseil d'État

N° 398286
ECLI:FR:CEORD:2016:398286.20160407
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Juge des référés
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER, avocats


Lecture du jeudi 7 avril 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. R...K..., M. J...S...H..., M. M...D..., Mme B...L..., M. J...A..., M. N...F..., M. C...G..., Mme E...O...et Mme Q...I...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire n° DG-2016-018 de Champs-sur-Marne du 8 février 2016 les mettant en demeure de quitter la parcelle cadastrée AM 332 dans un délai de 48 heures et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit demandé aux différents acteurs ayant participé au dépistage de la tuberculose d'éclairer le tribunal sur la situation sanitaire actuelle afin de savoir si tous les dépistages ont été effectués et si de nouveaux cas de tuberculose ont été récemment détectés.

Par une ordonnance n° 1601190 du 11 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a enjoint aux autorités chargées de l'exécution de l'arrêté du maire de Champs-sur-Marne du 8 février 2016 de permettre à chacun des occupants du campement évacué au moment de cette évacuation de demander à être soumis à un test de dépistage de la tuberculose et d'être hospitalisé et a rejeté les conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 février 2016.

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K...et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle leur fait grief ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire de Champs-sur-Marne du 8 février 2016 les mettant en demeure de quitter la parcelle cadastrée AM 332 dans un délai de 48 heures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- la mise à exécution de l'arrêté porte une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d'aller et venir et à leur droit à mener une vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2014, la commune de Champs-sur-Marne conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les conclusions des requérants et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ainsi qu'à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, à titre subsidiaire, que, l'arrêté ayant été exécuté, la condition d'urgence n'est plus remplie et que les moyens ne sont pas fondés.



Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. K...et autres, d'autre part, la commune de Champs-sur-Marne ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 avril 2016 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Meier-Bourdeau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. K... et autres ;

- la représentante de M. K...et autres ;

- Me Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Champs-sur-Marne ;

- les représentants de la commune de Champs-sur-Marne ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au 6 avril 2016 à 18 heures ;

Vu la mesure d'instruction supplémentaire par laquelle le juge des référés a demandé à ce que soient mises en cause pour observations, d'une part, la ministre des affaires sociales et de la santé afin qu'elle communique les éléments en sa possession sur les conditions dans lesquelles les personnes évacuées ont été relogées et, d'autre part, l'agence régionale de santé d'Ile-de-France afin d'obtenir des informations sur la situation sanitaire du campement ; le juge des référés a également demandé à la commune de Champs-sur-Marne et aux requérants la production de pièces complémentaires ;

Vu les mémoires, enregistrés le 6 avril 2016, par lesquels la commune de Champs-sur-Marne persiste dans ses écritures et produit le compte rendu de sortie des services de sécurité, d'incendie et de secours de Seine-et-Marne, un courriel récapitulatif de la préfecture de Seine-et-Marne sur l'intervention du 12 février 2016, une note de l'agence régionale de santé concernant l'organisation d'une campagne de dépistage et un compte rendu de l'opération de dépistage ;

Vu les mémoires en observations, enregistrés le 6 avril 2016, par lesquels la ministre des affaires sociales et de la santé conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur la requête et, à titre subsidiaire, au rejet et produit des éléments concernant l'hébergement des requérants ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 2016, par lequel M. K...et autres persistent dans leurs écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toutes natures, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pouvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté n° DG-2016-18 du 8 février 2016, pris sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales précité, le maire de Champs-sur-Marne a mis en demeure les occupants du campement installé sur la parcelle AM 332, située avenue Blaise Pascal et appartenant à l'établissement public d'aménagement de Marne-la-Vallée, de l'évacuer dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de cet arrêté ; que M. K...et huit autres occupants de cette parcelle, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant, à titre principal, à la suspension de l'exécution de cet arrêté ; qu'ils relèvent appel de l'ordonnance du 11 février 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ces conclusions ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction ainsi que des éléments recueillis lors de l'audience publique que, saisi par la commune de Champs-sur-Marne d'une demande d'octroi du concours de la force publique pour la mise en oeuvre de l'arrêté du 8 février 2016, le préfet de Seine-et-Marne a attendu, dans le souci de respecter les exigences du droit au recours effectif, que le juge des référés se soit prononcé pour y répondre ; que les conclusions à fin de suspension de l'arrêté ayant été rejetées, le préfet a octroyé, le 11 février 2016, le concours de la force publique pour l'évacuation d'office des occupants sans titre de la parcelle AM 332 ; que les forces de l'ordre ont procédé à cette évacuation le 12 février 2016 ; qu'eu égard aux pouvoirs du juge des référés saisi au titre de la procédure de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la mise en oeuvre d'un arrêté de mise en demeure d'évacuer un campement illicite n'est pas de nature à priver d'objet des conclusions tendant à ce que soient ordonnées les mesures d'urgence de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle la situation résultant de cette mise en oeuvre porterait une atteinte grave et manifestement illégale ; qu'en revanche, la circonstance que, postérieurement à l'ordonnance attaquée, le campement concerné par l'arrêté n° DG-2016-18 du 8 février 2016 a été totalement évacué avec le concours de la force publique et les équipements qui y avaient été installés détruits est de nature à priver d'objet les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté ; que, cette exécution étant intervenue antérieurement à l'introduction de l'appel présenté par M. K... et autres, leurs conclusions qui tendent seulement à la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Champs-sur-Marne sont irrecevables ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. K...et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, au même titre, par la commune de Champs-sur-Marne ;


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. K...et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Champs-sur-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. R...K..., à la commune de Champs-sur-Marne et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de sante d'Ile-de-France.