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Ariane Web: Conseil d'État 389722, lecture du 13 avril 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:389722.20160413

Décision n° 389722
13 avril 2016
Conseil d'État

N° 389722
ECLI:FR:CECHS:2016:389722.20160413
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Christophe Pourreau, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public


Lecture du mercredi 13 avril 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 avril, 11 juin et 10 août 2015, la commune de Mougins (Alpes-Maritimes), représentée par son maire, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-1611 du 24 décembre 2014 authentifiant les chiffres des populations de métropole, des départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en tant qu'il fixe le chiffre de sa population municipale à 18 198 habitants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 ;
- la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;
- le décret n° 2003-485 du 5 juin 2003 ;
- l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 5 août 2003 portant application des articles 23 et 24 du décret n° 2003-485 du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;





Sur l'exception tirée de l'illégalité de l'arrêté du 5 août 2003 :

1. Considérant qu'à l'appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret attaqué, en tant qu'il limite le chiffre de sa population municipale à 18 198 habitants pour l'application des lois et règlements à compter du 1er janvier 2015, la commune de Mougins excipe de l'illégalité de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 5 août 2003 portant application des articles 23 et 24 du décret du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population ; que, toutefois, dès lors que cet arrêté ne constitue pas la base légale du décret attaqué, lequel a été pris en application du VIII de l'article 156 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, une telle exception d'illégalité doit en tout état de cause être écartée ;

Sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant que le II de l'article 1er de la loi du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques prévoit que l'Autorité de la statistique publique " veille au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques ainsi que des principes d'objectivité, d'impartialité, de pertinence et de qualité des données produites " ; qu'aux termes du deuxième alinéa du VI de l'article 156 de la loi du 2 février 2002 : " Pour les communes dont la population est inférieure à 10 000 habitants, les enquêtes sont exhaustives et ont lieu chaque année par roulement au cours d'une période de cinq ans. Pour les autres communes, une enquête par sondage est effectuée chaque année ; la totalité du territoire de ces communes est prise en compte au terme de la même période de cinq ans " ; qu'en vertu des articles 23 à 27 du décret du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population ainsi que de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 5 août 2003 mentionné ci-dessus, afin de procéder au recensement annuel de la population des communes dont la population municipale est égale ou supérieure à 10 000 habitants, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sur la base des observations formulées par chacune des communes concernées, met à jour chaque année le répertoire des adresses de la commune, puis élabore et transmet à la commune un échantillon d'adresses correspondant à un pourcentage fixe du nombre total d'adresses, avant de déterminer, sur la base des données collectées par les agents recenseurs communaux, le nombre de logements et le nombre moyen d'habitants par logement aux adresses figurant dans cet échantillon ; que la commune de Mougins, qui compte plus de 10 000 habitants, fait l'objet chaque année d'une enquête par sondage, en application du deuxième alinéa du VI de l'article 156 de la loi du 2 février 2002, de telle sorte que l'ensemble de son territoire soit pris en compte au terme d'une période de cinq ans ;

3. Considérant, d'une part, que la commune de Mougins soutient que le nombre élevé d'adresses et de logements pour lesquels aucune enquête n'a été menée aurait nui à la pertinence du recensement de sa population et que, par suite, le décret qu'elle attaque en tant qu'il fixe le chiffre de la population municipale à 18 198 habitants serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait les principes d'objectivité, d'impartialité, de pertinence et de qualité des données produites consacrés par le II de l'article 1er de la loi du 7 juin 1951 ; qu'il appartient toutefois à l'INSEE de définir, dans le respect des textes régissant la statistique et le recensement, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les méthodes selon lesquelles sont établis les résultats du recensement ; que l'INSEE fait valoir que, lorsque les agents recenseurs constatent qu'une adresse figurant sur le répertoire des adresses de la commune ne correspond pas à un immeuble d'habitation ou a déjà été comptabilisée, ils dressent une " fiche d'adresse non enquêtée " (FANE) attestant l'absence de logement à cette adresse, et donc l'absence de ménages à recenser ; que, lorsque les agents ne parviennent pas à contacter les occupants d'un logement, ils dressent une " fiche de logement non enquêté " (FLNE), le nombre d'habitants du logement étant alors estimé par enquête de voisinage ou par " traitement statistique consistant à intégrer aux logements concernés le nombre d'habitants observé par ailleurs dans les résidences principales " ; que le recours à ces techniques n'est pas par lui-même de nature à vicier les résultats du recensement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mise en oeuvre de ces techniques aurait eu pour effet d'entacher d'erreur manifeste d'appréciation les résultats obtenus dans la commune de Mougins ; qu'au demeurant, celle-ci ne fait état d'aucun exemple concret d'erreur dans l'établissement d'une FANE ou d'une FLNE qui aurait pu conduire à sous-estimer le chiffre de sa population municipale ;

4. Considérant, d'autre part, que la commune de Mougins soutient que le chiffre de 18 198 habitants serait erroné au motif que la baisse de sa population légale entre 2007 et 2012 qui en résulterait ne serait pas confirmée par certains éléments probants, tels que le nombre d'abonnés au service public de l'eau, le nombre d'enfants scolarisés dans la commune, le nombre de foyers fiscaux, et serait même contredite par l'accroissement du nombre des électeurs inscrits dans la commune entre 2008 et 2014 ou par l'évolution du rôle général de la taxe d'habitation depuis 2007 ; qu'il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni que l'INSEE aurait omis de prendre en compte certaines catégories de personnes, ni qu'il aurait négligé certains logements reconnus habitables inscrits au répertoire d'immeubles localisés (RIL) après validation par la commune, ni qu'il aurait sous-estimé le taux d'occupation des logements ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait fondé sur des faits matériellement inexacts doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Mougins n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué, en tant qu'il fixe le chiffre de sa population municipale à 18 198 habitants ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Mougins est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Mougins, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre du budget et des comptes publics et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique (directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques).